Bénin: Déscolarisation des jeunes filles, un phénomène qui prend de l’ampleur dans le village d’Adohoun

luzdelsol668
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(Société Civile Média) – Le slogan « toutes les filles à l’école » ne semble pas avoir un écho favorable dans le village d’Adohoun, une localité située dans la commune d’Athiémé au Bénin. Et pour cause, nombreuses sont les jeunes filles qui abandonnent l’école prématurément et pour diverses raisons. L’une de ces raisons est le mariage précoce.

Elle a 16 ans. Elle était en classe de 4ème ML au CEG Adohoun. Elle n’est pas très brillante, mais elle ne déméritait pas non plus. Elle, nous l’appellerons A. E., une jeune fille dont le seul tord est d’être d’un village où le mariage passe avant toutes autres considérations, surtout scolaires.
« Je ne peux plus venir à l’école car je travaille avec ma belle-famille au champ. Et elle n’accepte pas que je continue mes études », répond-elle à son professeur de Français qui l’a surprise loin des classes, dans un champ et lui a posé la question de savoir pourquoi elle ne venait plus à l’école.

En effet, pour la rentrée scolaire 2017-2018, A. E. a bien repris les classes passant de la classe de 5ème à la classe de 4ème où elle a demandé à être classée en moderne long se basant sur ces atouts. Mais quelques temps plus tard, elle a dû quitter l’école parce qu’elle devait se marier. Et le professeur qui s’était arrêté pour demander à son apprenante pourquoi elle ne venait plus au cours a failli en payer le prix fort. « A peine la fille m’a-t-elle répondu que ces beaux-frères et son beau-père sont sortis de la brousse pour m’assaillir de questions. Mais bien plus que ça, ils voulaient me lycher, car pour eux, il est inconcevable qu’un autre homme discute avec la femme de leur fils. N’eut-été la réaction des passants, ils allaient me rouer de coups pour m’apprendre à ne pas me mêler des affaires des autres, disent-ils. J’ai donc raté le lynchage de justesse et j’ai été mis en garde », raconte François Dodji, le professeur de français de la fille.

Malheureusement, le cas de cette adolescente n’est qu’un parmi tant d’autres. Dans ce village du Bénin, elles sont nombreuses à abandonner de façon précoce les bancs pour diverses raisons.

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Entre pauvreté, sexualité précoce et démission des parents

Adohoun, le plus grand arrondissement de la commune d’Athiémé, situé à environ 7 kilomètres de la ville de Lokossa, est le nid d’un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur : la déscolarisation précoce des jeunes filles. Et les raisons de ce fléau sont multiples.
« Mon père a dit qu’il n’a plus les moyens pour prendre en charge ma scolarité. C’est pourquoi il m’a envoyé en apprentissage dans la localité », nous raconte une jeune fille de 13 ans, pourtant très brillante à l’école selon les témoignages. « Moi, je n’ai personne pour me soutenir. Mes Parents disent qu’ils n’ont pas les moyens », renchérit une autre fille. Elles ont toutes requis l’anonymat pour ne pas subir la colère de leurs géniteurs.

La pauvreté semble donc être la cause principale de l’abandon des classes par les élèves filles. Mais le paradoxe est que les mêmes parents qui servent cet argument à leurs filles, maintiennent tout de même leurs garçons à l’école. C’est donc la preuve que certains parents du village d’Adohoun ont simplement démissionné quant à l’éducation de leurs filles. Et le corollaire de cette démission est que ces filles s’offrent au premier homme venu leur vendre l’illusion d’un soutien chimérique. Conséquence, elles sont très jeunes mais sexuellement très actives et avec pour la plupart du temps un enfant sans père.

Le constat est amer dès que vous arrivez dans cet arrondissement. Les ateliers de couture, coiffure et autres sont remplis des jeunes filles de 12 à 17 ans. Et c’est les meilleurs des cas. Pour d’autres, elles sont à la maison et sont devenues des ‘‘machines’’ à produire des enfants. Et quand vous allez dans le collège d’Adohoun, le constat est plus ahurissant. En classe de Terminale D, il n’y a que 2 filles sur 39 élèves. En Terminale A, où le nombre est plus élevé, on n’en décompte qu’une dizaine sur 39 élèves. En somme, les cas d’abandon de classe dans cet établissement concernent surtout les filles.
La situation est critique dans cette contrée. Il va falloir que les autorités compétentes prennent des dispositions pour contraindre, après sensibilisation, les parents de ce village à laisser les filles aller à l’école.

Les ONG intervenant dans la promotion de la gente féminine sont aussi invitées à se lancer dans la dance pour sauver les filles de l’arrondissement d’Adohoun de l’étau qui se resserre autour de leur cou. A les entendre, ce n’est pas la volonté de fréquenter qui manque. Il leur faut un peu d’appui et surtout les sauver de ses parents qui ne veulent pas les voir en classe. Et même si elles doivent apprendre un métier, il y a aujourd’hui des centres formels de formations professionnelles où elles pourront apprendre un métier dans des conditions optimales.

Eduquer une femme, c’est éduquer une nation dit-on. Les filles d’Adohoun en ont besoin. La mairie d’Athiémé, le gouvernement du président Talon et les ONG sont vivement interpellés. Entre la pauvreté, la sexualité précoce et la démission des parents, ces âmes innocentes ont besoin d’aide.

Cokou Romain COKOU