TOGO-INTERVIEW : Bavures policières, violences et faveurs sexuelles…Kevin FIASHINOU parle des impacts du Covid-19 sur les enfants en situation de rue

Société Civile Médias
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(Société Civile Média) – Au Togo, les enfants en situation de rue n’ont pas été épargnés par les mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid-19, notamment le couvre-feu. C’est ce que révèle une enquête menée par l’ONG Hälsa International. Invités à quitter la rue alors qu’ils en ont fait leur domicile, ces enfants se sont retrouvés dans des situations à la fois difficiles et inconfortables. Bavures policières, violences physiques, violences et faveurs sexuelles ont été leur quotidien. Dans cette interview, Kevin FIASHINOU (photo), le Directeur exécutif de Hälsa International, évoque les résultats de l’enquête menée par son organisation. Il revient sur la situation des enfants de rue au Togo et propose des alternatives.

M. FIASHINOU, vous avez mené une enquête sur les impacts du Covid-19 sur les enfants en situation de rue. Parlez-nous-en un peu.

Effectivement, nous avons effectué ce que nous appelons les maraudes nocturnes. Il s’agissait de faire une évaluation rapide sur les impacts du Covid-19 sur les personnes sans domicile, en particulier les enfants en situation de rue et les jeunes filles mères. L’enquête, qui a duré une semaine, a mobilisé une soixantaine d’agents de terrain. Le rapport de cette enquête est attente de validation par l’autorité, en l’occurrence le ministère en charge de l’Action sociale.

En attendant la validation du rapport, pouvez-vous nous en dire un peu sur les résultats de cette enquête ?

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Les enquêtes ont révélé que plus de 3000 personnes ont beaucoup souffert des conséquences du Covid-19, notamment du couvre-feu. Ces personnes se sont retrouvées en situation difficile d’abord du fait qu’elles n’ont nulle part où dormir, et ensuite parce qu’on leur a interdit d’être dans la rue. Comment peut-on demander à des gens qui ont la rue comme domicile de ne pas être dans la rue ? C’était un véritable problème, surtout pour les enfants en situation de rue. Malheureusement il n’y a pas eu de mesures prises immédiatement pour pouvoir permettre à ces enfants d’avoir d’autres alternatives. Résultats, nous avons enregistré beaucoup de bavures des forces de l’ordre contre eux, beaucoup de violences physiques, des violences sexuelles sur des jeunes filles qui ont la rue comme domicile mais qui, en raison du couvre-feu, étaient obligées d’aller demander pardon aux gens pour dormir chez eux. Certains n’hésitaient pas à leur demander des faveurs sexuelles avant de les héberger. Certains enfants se sont retrouvés dans des maisons où ils ont été victimes de violences. Mais compte tenu de la situation, ils n’avaient pas d’autres choix que de subir.

Nous continuons de travailler pour proposer à l’Etat des alternatives qu’on peut mettre en place pour répondre aux besoins de toutes ces personnes qui sont sans domicile.

Quelle est la situation des enfants de rue au Togo par rapport à d’autres pays ?

La situation devient très inquiétante en ce qui concerne les enfants en situation de rue et ceci, pour deux raisons. La première est que nous avons de plus en plus de dysfonctionnements familiaux qui obligent de plus en plus d’enfants à trouver refuge dans la rue. Chaque année, nous avons environs 150 enfants qui retombent en situation de rue. Ce qui est énorme pour un petit pays comme le nôtre. Et le nombre d’enfants que les ONG qui travaillent sur la question réussissent à faire retourner à la maison dépasse à peine 50 par mois parce que le travail de l’intégration des enfants en famille, c’est tout un processus qui prend du temps. Si vous voulez faire un travail de qualité, un enfant peut prendre un an à deux ans avant de trouver un foyer stable. Alors, s’il ya 150 qui retombent dans la rue en un an, c’est un peu inquiétant.

Dans la sous région, la Côte d’ivoire était en premier position avec les enfants dénommés « microbes » qui attaquent en pleine journée et le Togo était en tout dernière position. Mais aujourd’hui, nous sommes en premier place. Ceci parce que les autres ont réussi à mettre en place un système qui leur permet de stopper l’arrivée de ces enfants dans la rue. Quand les enfants arrivent dans la rue, c’est si compliqué de les faire retourner à la maison. Mais si on travaille à la source pour stopper leur arrivée dans la rue, c’est beaucoup plus efficace.

Maintenant, comment faire pour éviter que les enfants n’arrivent plus dans la rue ?

Il faut vraiment mettre en place un système dans le sens de l’éducation familiale, de la paternité. Il faut également mettre en place des moyens coercitifs pour que des parents ne laissent pas leurs enfants se retrouver facilement dans la rue. Parce qu’il n’y a aucune loi qui les contraint, des parents, même ceux qui ont les moyens, laissent leurs enfants dans la rue à un moment donné. Et ces cas sont malheureusement récurrents aujourd’hui sans que rien ne soit fait aux géniteurs. C’est ce travail qu’il faut faire pour que le Togo puisse quitter la première place de ce classement et retrouver sa dernière place. Nous sommes 7 millions d’habitants et c’est anormal que 7000 enfants puissent se promener dans la rue sans aucun attachement ni cadre d’accompagnement.

En ce qui concerne votre mission, quel travail faites-vous par rapport aux détenus mineurs ?

Nous accompagnons les enfants à la brigade pour mineur notamment sur le plan santé où nous payons tout l’accompagnement sanitaire pour faciliter leur accès au soin de santé. Mais la plupart du temps, nos actions visent à trouver les moyens pour que ces enfants puissent retrouver un cadre de vie familial.

Combien d’organisations êtes-vous à s’occuper des enfants au Togo ?

En ce qui concerne les organisations qui s’occupent spécifiquement des enfants en situation de rue, nous sommes trois. Mais il y a aussi des organisations qui ont, dans leurs programmes, l’accompagnement des enfants de rue. Mais ceux qui en ont fait une mission et des objectifs spécifiques ne sont que trois au Togo.

Propos recueillis par Jean de Dieu SOVON

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