Togo : La 8e Nuit des Droits de l’Homme passe au crible la problématique de l’accès à la justice et la lutte contre l’impunité

Société Civile Médias
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(Société Civile Médias) – La justice est-elle vraiment indépendante au Togo ?  Autrement dit, le juge est-il réellement libre d’exercer ses fonctions et d’instruire les plaintes qui lui sont soumises ? La question a fait l’objet d’un débat à la 8e édition de la Nuit des Droits de l’Homme tenue le week-end dernier à Lomé sous un nouveau format. Un format qui, contrairement aux éditions précédentes, a privilégié l’organisation de trois panels dont l’un portait sur l’accès à la justice et la lutte contre l’impunité au Togo.

Il s’agissait essentiellement, au cours de ce panel, d’échanger sur le fonctionnement de l’administration de la justice au Togo, de faire un bilan et de relever les défis et les perspectives en lien avec la lutte contre l’impunité des actes de violation des droits de l’Homme et de corruption et les initiatives du gouvernement pour le renforcement de la lutte contre l’impunité. 

Vue des participants à la 8e édition de la Nuit des Droits de l’Homme

Si le juge Thierry Kokoroko, président du Tribunal de grande instance de Sokodé, estime que la majorité des magistrats dit le droit, son co-panéliste, Ghislain Koffi Nyaku, pense pour sa part que ce n’est pas exactement le cas.

D’après le directeur exécutif du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT), plusieurs plaintes soumises dans des affaires de violations de droits de l’homme n’ont pas été instruites par la justice togolaise.

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« Nous avons documenté plusieurs cas d’allégations de violations de droits de l’homme qui se trouvent dans les rapports soumis par le CACIT et d’autres organisations aux mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme. Mais jusqu’à ce jour, on n’a pas vu des juges s’autosaisir de ces cas », déplore Ghislain Nyaku, avant d’ajouter qu’il y a également des cas d’allégations liées à la corruption et aux infractions assimilées qui existent mais n’ont pas suscité la réaction des juges.

« Nous savons qu’il y a plusieurs cas d’allégations de corruption, de détournements de deniers publics, des dossiers qui ont été portés par des journalistes pour que justice soit faite. Pourquoi le parquet ne s’autosaisit pas de ces affaires ? », s’interroge le Directeur exécutif du CACIT d’après qui il y a un réel souci lié à l’impunité de ces actes.

Lors du panel sur sur l’accès à la justice et la lutte contre l’impunité au Togo

« Le constat que nous avons fait est que lorsque nous saisissons la Cour de justice de la Cedeao, nous avons des décisions qui sont rendues. Ce qui prouve que les cas que nous documentons sur les allégations sont réels pour la plupart mais ne font l’objet d’aucune instruction au niveau national », ajoute Ghislain Nyaku, estimant que si la justice veut se montrer libre comme elle le clame, elle doit faire un effort pour se saisir de certains dossiers. Autrement, son indépendance est à questionner.

Répondant aux préoccupations, le magistrat Thierry Kokoroko a tenu à rappeler que le système judiciaire togolais distingue le juge du Procureur de la République à qui revient le pouvoir de lancer les procédures.

« Quand le presse dénonce, quand il y a plainte, il faut que le procureur actionne, c’est le principe. Mais notre Code dit que si le procureur n’actionne pas, la victime peut lui forcer la main et c’est ce qu’on appelle plainte avec constitution de partie civile. Mais nos lois n’ont pas prévu la possibilité, pour toutes les associations, de saisir en matière pénal notre système judiciaire. Donc à supposé que le procureur reçoît des plaintes mais n’entend pas poursuivre au nom de l’opportunité des poursuites, il faut que la victime actionne. Mais quand la victime doit déposer plainte avec constitution de partie civile, il faut qu’elle paye une caution. Et c’est quand on ne veut pas que l’action aboutisse que la caution fixée devient excessive et difficile à payer pour le plaignant », explique le juge Kokoroko.

En l’absence d’un nouveau Code de procédure pénal, le président du tribunal de Sokodé propose qu’un plaidoyer soit fait pour que des organisations comme le CACIT soient agrées pour déposer plainte avec constitution de partie civile en matière de violations des droits de l’homme, de corruption ou infractions assimilées.

Tout en plaidant pour l’adoption rapide du nouveau Code de procédure pénal, le CACIT propose la création de cadres qui permettent de réfléchir ensemble avec les acteurs judiciaires sur la dichotomie qui existe entre la volonté des juges de rendre justice et le fait que cette justice ne soit pas souvent rendue.

Les lauréats de la campagne digitale de la DUDH avec les officiels

A noter que les deux autres panels organisés lors de cette 8e édition de la Nuit des Droits de l’Homme, organisée grâce à l’appui financier de l’Union Européenne, ont porté sur les approches de solutions pour le renforcement de la dignité humaine des personnes en détention au Togo ; et les Enjeux, défis et perspectives pour l’élargissement de l’espace civique au Togo.

Par ailleurs, des récompenses ont été octroyées aux trois meilleurs jeunes ayant participé à la campagne digitale de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) initiée par la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et le CACIT en collaboration avec le HCDH BRAO. Le premier prix, qui est le prix spécial UE, a été décroché par TERAOU Esso-Ekpém de Kara, alors que AYITE Bat Kossi et ANAKPA Elisabeth ont respectivement décroché les deuxième et troisième prix.