Togo-Portrait: Dr SAMA Essoham, l’émergence du leadership féminin dans la chefferie traditionnelle

Ama Larissa AGBENOU
6 Min Read

(Société Civile Média) – Traditionnellement composés d’hommes, les conseils de notable ou chefferies dans la préfecture de la Kozah s’ouvrent peu à peu aux femmes. Une grande première, Dr SAMA Essoham est entrée dans l’histoire en devenant l’une d’elles. Elle est Cheffe canton de Pya dans la Préfecture de la Kozah. Elle marque le quotidien des gens de sa communauté en bousculant les idées reçues par son dynamisme et son engagement. Coup de projecteur sur la vie de cette grande âme qui suscite admiration et curiosité.

Il est vrai que l’exercice de la chefferie traditionnelle est une tâche prenante et consumante. Cependant, dans sa vie quotidienne, Dr Sama Essoham est une femme ordinaire « maternelle et très humble », avec des hobbies, des attentes, des frustrations. Bref, au-delà des exigences et des qualités dues à sa fonction, elle mène une vie normale.

Année 1983. Essoham revient de l’ex Union soviétique (actuelle Russie) avec un doctorat en médecine générale en poche et une multitude de projets en tête. Elle intègre la fonction publique en 1985 et se fait remarquer par son dynamisme et son professionnalisme. C’est ainsi qu’en 1994, elle est nommée Directrice préfectorale de la Santé dans la préfecture de Tchaoudjo, dans la Région centrale. Cependant la jeune médecin ne dort pas sur ses lauriers et est toujours à l’affût de connaissances. Humaniste, elle ne déroge pas à son serment d’Hippocrate. Elle veut encore être plus proche des populations et à leur service. « J’aimais être proche des populations, prendre connaissance de leurs peines, contribuer à les aider. Pour moi, c’était important dans l’exercice de mon métier », clame-t- elle. C’est ainsi qu’en 1997, elle part à Cotonou se spécialiser en Santé publique et est désormais Maître en santé publique. C’est fort de ce titre qu’elle sera nommée directrice régionale de Santé dans la région maritime en 1998 et en 2001 Directrice régionale Lomé-Commune.

Parallèlement, Mme Essoham est très impliquée dans des activités communautaires et elle n’échappera pas à son destin singulier. En 2004, elle prend une retraite anticipée sur demande de sa communauté. Ainsi, s’écourte le riche parcours administratif de celle qui deviendra Cheffe canton avec une clameur et un assentiment populaires.

- Advertisement -

Le grand virage

Devenir cheffe canton dans sa localité n’a jamais été une ambition pour Mme SAMA, même si son père a porté cette responsabilité au cours de sa vie. Pour l’ex pratiquante des métiers de la santé, c’est un coup du destin. « La désignation d’un chef canton dans le septentrion se fait par voie de consultation populaire. C’était donc une surprise lorsqu’un jour, les sages de la localité m’ont fait appel pour me porter la nouvelle : le choix a été porté sur moi de devenir cheffe Canton de la localité ; je ne m’y attendais vraiment pas », raconte- t-elle .
Surprise….Indécise et enfin déterminée ! Mme Essoham finit par prendre les rênes du pouvoir en 2004. « Je me suis finalement dit qu’il fallait que la femme que je suis, arrive à prouver à ses consœurs et à sa communauté qu’on peut avoir confiance en la gent féminine .Il fallait que je prouve de quoi je suis capable ».

Très imposante, elle fera des sorties très remarquables comme arbitre pendant plusieurs années aux Evala, l’une des grande cérémonies traditionnelles dans la région de la Kara. Un franc succès !

Dr SAMA, à la tête d’un canton dans le septentrion, un vrai changement et un saut qualitatif effectués pour se débarrasser du complexe du mâle dominant et omniscient !

Quotidiennement, elle fait appel à ses qualités de femme de paix, conciliante et intelligente pour occuper sa nouvelle fonction. Le choix de devenir Cheffe ne fut pas aisé pour elle. « C’est un énorme sacrifice que j’ai dû faire ; en revenant au pays après mes études, je ne m’attendais pas à ne plus exercer une activité autre que la Médécine, j’aime le public, j’aime protéger la vie humaine, ce fut une séparation difficile », confie-t-elle.

Essoham se réjouit toutefois de continuer à jouer ce rôle même si les cadres sont différents. « En tant que cheffe canton, je travaille avec les communautés, je suis en contact permanent avec les populations ; j’apporte des solutions à différents problèmes, c’est aussi une manière de faire de la santé publique », estime-t-elle.

Aujourd’hui, c’est avec fierté qu’elle porte son titre à la tête des 8 villages qui constituent le canton de Pya. Elle travaille quotidiennement avec le concours des chefs de village à gérer des conflits familiaux et sociaux, à veiller au développement de la localité et à élaborer des projets dans ce sens. « La population était curieuse de voir ce que la femme peut faire, aujourd’hui, ils en ont pour leur compte et je peux me permettre de dire qu’ils apprécient tout ce que je fais dans le cadre de mes prérogatives », affirme-t-elle, toute confiante.

Edem PEDANOU (Portrait réalisé dans le cadre du projet « Egbé Nana » du Pro-CEMA)