Togo-Interview: Godwin ETSE « Siéger au Conseil des droits de l’Homme est pour nous une invite à nous conformer aux valeurs promues dans la DUDH »

luzdelsol668
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(Société Civile Média) – En fin de semaine dernière, le Togo a été reconduit au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. A compter de janvier 2019 et durant les trois prochaines années, il siégera de nouveau aux côtés de 46 autres pays au sein de cet organe intergouvernemental principal des Nations unies sur toutes les questions relatives aux droits de l’Homme. Cette reconduction est-elle la preuve des efforts fournis par le Togo en matière de défense des droits de l’Homme ? Quels avantages tire un pays du fait d’être élu membre de cet organe et quelles en sont les implications ? Défenseur des droits de l’Homme et Directeur Exécutif du Centre de Documentation et de formation sur les Droits de l’Homme (CDFDH), Godwin ETSE est revenu sur le sujet dans cette interview accordée à nos confrères de la Radio La Voix du Plateau Danyi. Lisez plutôt !

 

Le Togo a été reconduit au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. En tant que défenseur des droits de l’Homme, comment avez-vous reçu cette nouvelle ?

C’est naturellement un sujet qui nous intéresse beaucoup parce que ça porte sur une thématique qui fait l’objet de notre engagement. Que cette considération soit donnée à notre pays afin que nous puissions siéger au Conseil est une nouvelle à saluer. Toutefois, ce qui doit plus retenir l’attention, ce sont les implications.

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Est-ce la preuve que des efforts ont été faits pas le Togo en matière de défense des droits de l’Homme ?

Il y a des raisons de dire le pays a eu à faire des efforts. Mais ce qu’il faut souligner, c’est qu’au niveau de ces mécanismes onusiens et surtout le Conseil des droits de l’Homme, le langage souvent adopté est un langage diplomatique. Donc il va de soit qu’à l’international, l’on soit entrain de saluer les effortsfaits par le pays Togo en la matière.

Vu les récentes dénonciations de violations de droits de l’Homme par le REJADD dont le premier responsable est en prison depuis quelques mois et la récente sortie de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, peut-on dire que le Togo a réellement connu des avancées en matière de droits de l’Homme au point d’être reconduit au Conseil ?

Pour vraiment apprécier la situation des droits de l’Homme dans le pays, il y a plusieurs éléments qu’il faut prendre en considération. Il faut d’abord commencer par le cadre légal et institutionnel c’est-a-dire  les textes dont nous disposons et les institutions qui sont prévues pour les appliquer. C’est seulement lorsque nous avons de bons textes qu’on pourra maintenant parler de l’effectivité. Est-ce que les lois qui sont prévues dans les textes sont vraiment respectées ? Est-ce que les citoyens jouissent véritablement de ces droits et libertés ? En somme, ce qu’il faut savoir c’est que si les efforts du Togo sont appréciés, c’est essentiellement sur le cadre légal. Notre pays a des textes plus ou moins optimaux en matière de droits de l’Homme. Et au niveau des Nations unies surtout, on salue toujours les efforts des pays qui essayent de ratifier les différentes conventions, les différents instruments, et qui participent volontairement aux différents processus d’évaluation.

Mais l’autre défi, c’est qu’au-delà du cadre légal, il faut qu’on sente l’impact que ces engagements ont sur la vie des citoyens.  Vous convenez avec moi que le cultivateur qui se rend au marché n’a aucune idée de tous les textes que ratifie le Togo. Mais l’essentiel pour lui, c’est d’écouler rapidement son maïs et que l’argent tiré de cette vente puisse lui suffire pour envoyer son enfant à l’école où le faire soigner s’il est malade. Donc à mon sens, le véritable problème chez nous, ce n’est pas le cadre légal, mais plutôt comment ces textes sont appliqués. Et c’est là qu’il y a véritablement un défi à relever pour le Togo. C’est aussi là qu’il faut que des efforts soient faits pour la mise en œuvre de ces différents engagements que le pays prend au niveau des Nations Unies.

Godwin Etsè, éclairons un peu le Togolais lambda. Quels avantages tire un pays du fait qu’il soit membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies ?

Il faut d’abord dire qu’être membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies pour un pays est une sorte de reconnaissance. Aucun pays n’a envie d’être traité d’Etat voyou ou d’Etat bandit à l’international. On ne gagne en rien à être désigné comme tel. Pour le Togo et naturellement pour les autres pays, c’est vraiment une reconnaissance de la part des Nations Unies ou de la communauté internationale que vous soyez considérés comme un pays qui siège au Conseil. Ce Conseil est composé de 47 États. Les pays sont élus pour y siéger et notre notre pays vient d’être élu pour une deuxième fois.

Pour les pays membres, qu’implique alors le fait de siéger au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies ?

L’implication est aussi une question de responsabilité pour les pays membres. Si on vous considère comme un pays qui peut siéger, c’est qu’on considère que vous avez fait un minimum d’efforts pour vous conformer aux règles en la matière. Et si ce n’est pas le cas, c’est alors une manière implicite de vous amener à régulariser votre situation. Vous convenez avec moi, et que ce sont les règles de la morale, que lorsqu’on vous nomme à un poste de responsabilité, on attend de vous que vous vouscomportiez en modèle, que vous donniez l’exemple. Et donc si le Togo siège aujourd’hui au Conseil malgré les défis que nous avons, c’est une invite pour nous à nous conformer aux valeurs qui sont promues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. En somme, l’intérêt pour nous est que ça oblige implicitement le Togo à faire davantage d’efforts pour se conformer aux règles qui concernent les droits de l’Homme.