Togo: Le CACIT désormais doté du « Statut consultatif spécial » auprès de l’ECOSOC

luzdelsol668
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(Société Civile Média) – La nouvelle a été donnée par les premiers responsables du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) mardi à Lomé. C’était au cours de la publication du rapport de cette organisation sur la situation des droits de l’Homme et les libertés fondamentales en lien avec la crise socio politique togolaise du 19 août 2017 au 19 août 2018.

Depuis le 3 août dernier, le CACIT est doté du « Statut consultatif spécial » auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC). Le CACIT peut donc désormais prendre part aux conférences internationales entrant dans ses domaines d’action et organisées par les Nations Unies. L’organisation de la société civile togolaise peut également assister aux réunions des organes de préparations des dites conférences.

Le « Statut consultatif spécial » dont il a été doté permet également au CACIT de prendre part aux travaux de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires et d’établir des relations avec le Secrétariat, les agences, fonds et programmes de l’ONU.

L’ECOSOC est l’un des six principaux organes de l’Organisation des Nations Unies constituée par la Charte des Nations Unies en 1945. Placé au cœur même du système des Nations Unies, le Conseil économique et social promeut les trois dimensions – économique, sociale et environnementale – du développement durable. C’est le lieu central à partir duquel des débats s’engagent, des idées nouvelles émergent, des consensus se forgent autour des voies à suivre et des actions sont coordonnées pour poursuivre les objectifs arrêtés au niveau international. Le Conseil a également pour fonction d’assurer le suivi des grandes conférences et réunions au sommet organisées par les Nations Unies.

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Voici par ailleurs l’intégralité de la déclaration liminaire du CACIT lors de la publication sur la publication du rapport de cette organisation sur la situation des droits de l’Homme et les libertés fondamentales en lien avec la crise socio politique togolaise du 19 août 2017 au 19 août 2018.

 

Déclaration liminaire

Au moment où le monde entier commémore le 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les 20 ans de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme, toute la communauté internationale et surtout les défenseurs des droits de l’homme s’interrogent sur les avancées enregistrées et comment relever les défis en matière de droits de l’homme, de manière plus efficace et plus efficiente.
Le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo vient, à travers cette conférence de presse, publier un « rapport sur la situation des droits de l’Homme et les libertés publiques fondamentales en lien avec la crise sociopolitique togolaise ». Il veut aussi rendre hommage à tous les défenseurs des droits de l’homme de par le monde, par la publication d’un bulletin spécial N°11 de l’œil du CACIT titré « Silence les victimes parlent ! », qui relève les acquis de son intervention en matière d’accompagnement des détenteurs de droits, des victimes et des détenus.
La crise ouverte à la suite des manifestations violentes du 19 août 2017 et les évènements qui s’en sont suivis jusqu’au 19 août 2018, ont renforcé le malaise social et le climat de défiance entre les acteurs. Cette crise a eu des répercussions sur l’évolution de la situation des droits de l’Homme et des libertés publiques fondamentales. En effet, la jouissance de plusieurs droits et libertés publiques garantis par les instruments internationaux et la Constitution togolaise a été remise en cause.
Parmi ces droits, on enregistre des atteintes au droit à la vie, à l’intégrité physique, à la liberté et à la sécurité des personnes, à la liberté de manifestation et de réunion, des atteintes au droit à la liberté d’expression, d’opinion et d’information, de cas de torture et des traitements cruels, dégradants ou inhumains, des cas de disparitions forcées, des atteintes à l’administration de la justice. Le rapport note aussi la situation préoccupante des défenseurs des droits de l’Homme.
Ainsi, le présent rapport, fait le bilan de la situation des droits de l’Homme pendant la crise socio politique qu’a traversée notre pays. Il se veut être un instrument de témoignage, d’information et d’analyse sur les différentes violations enregistrées durant la période. C’est un document de référence dans le cadre du suivi et d’évaluation de la situation des droits de l’Homme au Togo en vue d’un plaidoyer dans la mise en œuvre effective des instruments juridiques relatifs aux droits de l’Homme et pour le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit au Togo.
Après un travail de recherche et d’analyse des informations en sa disposition, le CACIT est en mesure d’établir qu’à ce jour, dix-neuf (19) personnes dont deux (02) militaires et quatre (04) mineurs ont perdu leur vie. Sur les dix-neuf (19) personnes décédées, six (06) sont mortes par balles, cinq (05) des suites de torture et de mauvais traitements, deux (02) par noyade. En ce qui concerne les deux (02) militaires décédés, les éléments en possession du CACIT ne lui ont pas permis d’établir les circonstances exactes de leur décès.
En outre, le CACIT n’a pas été en mesure d’établir la relation de cause à effet dans le décès de deux (02) autres personnes asthmatiques qui avaient inhalées des gaz lacrymogènes dont l’une a été empêchée par les agents des forces de l’ordre et de sécurité de se rendre à l’hôpital et l’autre battue. Le CACIT a aussi noté un (01) décès par accident à Lomé devant le consulat du Sénégal. D’après les témoignages recueillis sur place, cet accident est lié au fait que le conducteur du camion tentait d’échapper à l’agression des groupements de malfaiteurs hostiles aux manifestants.

De même, le CACIT a documenté au moins trois cent cinquante (350) cas de civils blessés en lien avec les manifestations. La plupart des blessés avaient été flagellés, matraqués et présentaient des hématomes et des contusions.
Les seules informations que nous avons sur les forces de sécurité et les militaires blessés datent d’après les manifestations du 19 août 2017. Le ministre de la sécurité et de la protection civile, faisant le bilan de ces manifestations, a relevé soixante (60) agents des forces de sécurité et militaires blessés.
Au total, le CACIT a dénombré cinq cent soixante (560) personnes qui ont été arrêtées et détenues. La plupart ont recouvré leur liberté. Cinquante-trois (53) personnes restent encore en détention.
Au titre des actions du CACIT, deux activités principales sont à noter. L’’accompagnement psycho médical des victimes de violation des droits de l’Homme, des actes de torture et de mauvais traitements, et l’assistance juridique aux personnes arrêtées et détenues.
Sur l’assistance psycho médicale, au moins soixante (60) personnes ont été prises en charge à Lomé, Atakpamé, Sokodé, Kara et Dapaong, y compris les défenseurs des droits de l’Homme. Certaines parmi ces personnes ont subi des interventions chirurgicales.
Sur le plan juridique, au moins deux cent (200) personnes ont été assistées. Cet accompagnement s’est fait dans le cadre des actions de monitoring et autres interventions, avec l’appui des avocats membres du collectif des avocats du CACIT qui ont contribué à la libération d’une centaine de personnes arrêtées. Sept (07) plaintes ont été déposées devant le tribunal de Lomé.
Le 27 septembre 2017, le CACIT a saisi le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, en vue d’attirer leur attention sur les cas de violation de la liberté d’expression et d’information suite à la coupure de l’internet dans le cadre des manifestations des 06, 07, 20 et 21 septembre 2017.
Le Groupe de Travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations Unis a été saisi en août dernier pour le cas des deux (02) personnes disparues depuis le 18 octobre 2017.
Au regard des cas de violations des droits de l’Homme et des libertés publiques fondamentales enregistrées pendant la période référencée, il y a lieu de relever qu’il y a une régression particulière du respect des engagements de l’Etat en matière des droits de l’Homme. Cela est d’autant plus inquiétant dans la mesure où cette situation se présente seulement un an après le passage du Togo devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, dans le cadre de l’Examen Périodique Universelle (EPU), où le pays a été encouragé pour ses efforts en matière de promotion et de protection des droits de l’Homme.

D’ailleurs, l’article 13 de la constitution dispose que « L’Etat a l’obligation de garantir l’intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national ». A la lecture de cette disposition, il est à noter que l’Etat a l’obligation de protéger et de faire respecter la personne humaine dans son intégrité.

Le CACIT reste très préoccupé par le sort des victimes, l’impunité des auteurs présumés des actes de violations, de torture et de mauvais traitements, et particulièrement par l’inaction des autorités pour poursuivre les présumés auteurs des violations des droits de l’Homme perpétrées dans le pays. On peut citer, à titre d’exemple, le cas récent de l’affaire de l’usage des produits périmés administrés aux patients au CHU Sylvanus Olympio.

Le CACIT reconnaît les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de l’apaisement, notamment la création d’un cadre de concertation pour les monitorings. Le CACIT cite aussi dans ses conclusions, la libération de personnes détenues en lien avec les manifestations. Il faut rappeler aussi la levée de la mesure de contrôle judiciaire de Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’Opposition dans la procédure des incendies et la restitution des motocyclettes saisies à Lomé lors de la manifestation des 6 et 7 septembre 2017 entre autres.
Toutefois, face à ces multiples atteintes aux droits de l’Homme et aux libertés publiques fondamentales et à la menace qui plane sur la sécurité publique et la paix sociale, le CACIT recommande entre autres :

1. Au gouvernement :

• Mener dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes, approfondies, crédibles, transparentes et impartiales sur les violations des droits de l’homme commises par des agents de l’Etat et par des personnes affiliées aux agents étatiques, dans le cadre de la répression des manifestations, les personnes décédées, blessées et disparues depuis le 19 aout 2017 et de traduire en justice les auteurs présumés, quels que soient leurs rangs ou leurs positions en accord avec les standards internationaux ;
• Mener dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes, approfondies, crédibles, transparentes et impartiales, en accord avec les standards internationaux, pour identifier les personnes responsables des violences commises lors des manifestations ;
• S’assurer que les conditions de détention de ceux qui ont été arrêtés répondent aux normes internationales en matière des droits de l’homme et de procès équitable
• Garantir l’exercice de la liberté de réunion et de manifestation publique pacifique sur toute l’étendue du territoire national sans exception conformément aux standards internationaux et dans le respect de la loi du 16 mai 2011, notamment en prenant des actes administratifs motivés et en s’abstenant de prendre les interdictions d’ordre général ;
• Renforcer les capacités des forces de l’ordre et de sécurité sur le respect des droits de l’Homme et des principes humanitaires dans l’accomplissement de leur mission régalienne de maintien et de rétablissement de l’ordre conformément aux standards internationaux en vigueur.

2. Aux acteurs et partis politiques :
• Définir et mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et de formation politique et citoyenne de leurs membres en vue du renforcement de la culture démocratique et du respect des droits de l’Homme dans le pays ;
• S’engager résolument et de bonne foi dans la recherche d’une solution durable à la crise socio politique togolaise notamment en renforçant la culture du dialogue et de la concertation comme seul moyen de la négociation politique et de la réalisation des idéaux de développement ;
• Faire preuve de retenue dans les prises de position et dans les propos en vue d’assurer la cohésion sociale et la paix.
3. A la société civile

• S’investir davantage en toute objectivité et professionnalisme à la surveillance des droits de l’Homme et des libertés publiques, en vue de contribuer efficacement à la protection des détenteurs de droits ;
• Accompagner les efforts des différents acteurs notamment le gouvernement, les partis politiques, la communauté internationale dans la recherche d’une solution pacifique et acceptée par tous à la crise.
4. La communauté internationale

• Poursuivre son appui et accompagnement au gouvernement togolais dans ses efforts pour la réalisation de ses obligations internationales, en matière de garantie et de protection des droits de l’Homme et des libertés publiques fondamentales ;
• Renforcer le professionnalisme des défenseurs des droits de l’Homme par un accès accru aux ressources matérielles, financières et humaines, aux programmes de renforcement de capacités et de partage d’expériences
• Soutenir le processus du dialogue politique et de mise en œuvre des différentes recommandations formulées par divers acteurs, notamment la CVJR, les confessions religieuses et la CEDEAO.

Nous saisissons l’occasion pour porter à la connaissance de l’opinion nationale et internationale, que le CACIT est désormais doté du ‘’Statut consultatif spécial auprès du Conseil Economique et Social depuis le 03 août 2018. Ce qui lui permettra entre autres de prendre part aux travaux de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires et d’établir des relations avec le Secrétariat, les agences, fonds et programmes de l’ONU.
Pour finir, le CACIT voudrait d’abord remercier le secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme, le ministère de la justice, le ministère de la sécurité, la CNDH et l’administration pénitentiaire pour leur disponibilité et leur collaboration.
Ensuite, nos remerciements à toutes les organisations de défense des droits de l’Homme pour leur précieuse collaboration et les points focaux du CACIT pour leur engagement.
Enfin, nos remerciements à tous nos partenaires techniques et financiers notamment l’Union Européenne, le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme, Pain Pour Le Monde, le Programme des Nations Unies aux droits de l’Homme, l’Organisation Mondiale Contre la Torture, International Bridges to Justice, UPR info, le Centre pour les droits Civils et politiques, le Collectif des avocats du CACIT, les médecins et psychologues, ainsi que tous les autres acteurs, dont les appuis multiformes contribuent à la réalisation de nos objectifs.

Fait à Lomé, le 18 Septembre 2018

Le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo