Interview: Paul Affala parle de l’offensive d’ALG contre la corruption au Togo

luzdelsol668
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(Agence Société Civile Média) – Alternative Leadership Group, une association membre du Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) a lancé, depuis décembre 2016, une offensive contre le fléau de la corruption au Togo à travers une série d’actions dans la ville de Lomé. Réalisé en collaboration avec la cellule du Millénium Challenge Account (MCA) et grâce à l’appui du PNUD, le projet dont nous parle Paul Etsè AFFALA, secrétaire permanent d’ALG s’inscrit dans cette perspective. M. Affala a accordée cette interview au site web officiel du CACIT.

Cacit.org : Paul AFFALA, depuis la fin de l’année 2016,  a initié une série d’activités entrant dans le cadre de la lutte contre la corruption, de quoi s’agit-il exactement ? 

Paul AFFALA : Vous n’êtes pas sans savoir que notre association se lance véritablement dans le renforcement des capacités des jeunes pour la promotion de la bonne gouvernance. Et quand nous parlons de la gouvernance, nous savons que l’un des fléaux qui mine l’envol de la gouvernance, c’est le fléau de la corruption. Et donc la corruption est l’un des canaux sur lequel nous travaillons afin de promouvoir la bonne gouvernance. il s’agit donc pour nous jeunes leaders dans le cadre de ce projet de sensibilisation contre la corruption et les infractions assimilées d’accompagner le gouvernement, notamment la cellule du MCA (Millenium Challenge Account) pour que le Togo puisse valider l’indicateur qui porte sur la corruption  et que la bonne gouvernance soit promue.

Alors pourquoi une telle initiative ? 

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Une telle initiative tout simplement parce que nous sommes partis de deux observations. D’abord les chiffres. En 2015, par exemple, la corruption a fait perdre  148 milliards de dollars à l’Afrique selon le président de la BAD et  l’indice de perception de la corruption en 2015 de Transparency International  a classé le Togo au 107ème rang sur 168 pays évalués avec une note de 32/100. Ceci  interpelle véritablement nous les organisations qui œuvrons pour la bonne gouvernance. Quand nous voyons  ce chiffre de  148 milliards, nous imaginons le nombre d’hôpitaux qui peuvent être construits ou équipés, le nombre d’écoles, le nombre d’emplois, et autant d’argent illicitement acquis interpelle. Pour nous, c’est un problème non seulement pour la gouvernance mais aussi pour la jeunesse, et il était important de nous engager parce que nous avons le choix entre s’engager ou continuer à nous  plaindre comme beaucoup le font sans aucune action concrète. Donc il fallait descendre sur le terrain et qu’on revoit la problématique à la base.

Pensez-vous que descendre sur le terrain et sensibiliser les gens, cela  peut d’une manière ou d’une autre lutter contre la corruption qui est devenue un fléau véritablement ancré dans les habitudes des togolais ?

Bien sûr ! Je le pense et je suis très optimiste si je peux me le permettre. Nos actions ces dernières semaines nous ont permis de rencontrer différents types d’acteurs. Et les acteurs qui m’ont le plus impressionné, si je peux emprunter ce terme, c’est la rencontre que nous avons eu avec les leaders religieux et locaux. Vous savez, beaucoup de personnes aujourd’hui  n’ont pas l’information, alors que l’information c’est le pouvoir. L’Etat aujourd’hui, en termes de législation pour lutter contre ce phénomène, fait de gros efforts. Même si ce n’est pas aussi exhaustif que nous le souhaitons, nous estimons que ce qui est fait par l’Etat  mérite quand même d’être apporté à la population. A titre d’exemple, , au cours de la rencontre avec les leaders locaux, il y a des gens qui se sont plaint du fait que lorsqu’ils vont dans les administrations publiques pour se faire établir des pièces, on leur demande de l’argent, ce qu’on appelle communément le « Taméa ». Et donc l’idée pour nous à la base, c’était de leur apporter l’information, de leur dire qu’en réalité ces frais supplémentaires qu’on leur demande de payer sont indus. Donc, ils ont le droit à partir d’aujourd’hui quand ils arrivent dans une administration, de dire à l’agent public : « monsieur, ces frais que vous me demandez ne sont pas prévus. Si vous n’êtes pas capable de me fournir un reçu alors je ne paye pas ». Donc il y’a aujourd’hui ce genre de canaux pour dénoncer les auteurs de corruption.

Quelles sont les cibles de vos sensibilisations ?

J’ai commencé  à les énumérer plus haut. Nous avons les leaders locaux, les leaders religieux et les jeunes. Nous avons également les professionnels de la justice, notamment les avocats, les magistrats, les huissiers, ainsi que les institutions étatiques. Donc il était important pour nous dans un premier temps, à travers ce que nous avons appelé notre  table ronde inaugurale, de lancer les activités. Nous avons réunis les institutions de la république, les ministères, les OSCs, les médias autour de cette problématique là et cette fois-ci, l’approche que nous avons utilisé n’est pas une approche où quand vous venez vous dites que ce sont les agents de l’Etat qui sont les plus corrompus, mais nous avons eu des groupes thématiques qui ont réfléchi chacun sur l’état des lieux de la corruption dans leur corporation et au sein de leurs institutions  et nous en sommes sorti avec un document de synthèse qui nous permet aujourd’hui de voir quelles sont les manifestations de la corruption, que ce soit dans le corps judiciaire, au niveau des OSCs, des médias, de l’administration publique, etc.  la question de savoir si la corruption est réelle au Togo n’est donc plus à poser. La réponse est oui ! Maintenant la question c’est : que faisons-nous chacun de notre côté pour réduire l’ampleur de ce phénomène ?

Que peut-on retenir comme résultat concret obtenu à ce jour ?

Comme résultats concrets, c’est le nombre d’acteurs que nous avons pu impliquer. Nous avons des journalistes, des professionnels de la justice. Nous avons une très bonne relation avec des institutions comme l’ARMP ou l’OTR qui ont clairement dit qu’ils sont prêts à nous accompagner n’importe où nous irons pour porter le message de la lutte contre la corruption dans notre pays, parce que c’est ce même travail qu’ils sont entrain de faire, et leur désir est de pouvoir avoir des gens qui ont aussi à cœur de pouvoir porter ce message. Voilà les résultats que nous avons pu obtenir jusqu’à présent, du fait que le projet n’est pas encore à son terme.

Le 03 janvier dernier, le gouvernement togolais a nommé les membres de la haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption. Il s’agit d’ALCIA comme on le dit le plus souvent. Alors, quel est votre avis par rapport à cette initiative du gouvernement ?

J’avoue que nous l’avons accueilli favorablement dans la mesure où il s’agit d’un plaidoyer qu’ALG a  continuellement  fait, même dans le cadre  des travaux à la cellule du Millenium Challenge Account Togo. Et pour nous, c’est toujours une joie d’apprendre que les  mécanismes qui sont censés lutter contre cette corruption continuent de s’accroître et de s’établir. Je pense qu’avec l’arrivée de cette haute autorité de prévention, beaucoup de choses seront encore plus claires dans la mesure où l’ancienne commission de lutte contre la corruption, avec le sabotage économique entre temps, était mise en veilleuse et on ne sentait plus vraiment son importance. Donc je pense qu’avec la nomination des membres de cette cour, on va très vite aller vers des centres de sensibilisation, selon ce que dit clairement leurs attributions, et ils vont commencer à évaluer périodiquement les instruments juridiques et les mesures administratives de lutte contre la corruption. Ils vont œuvrer à la réflexion en vue de l’adoption par les organismes publics et privés d’un manuel de politique de formation des personnels. Donc pour nous, c’est autant d’éléments qui nous rassurent dans un premier temps, sous réserve de ce qui se fera réellement sur le terrain.

Déjà, nous devons avoir une présomption de bonne foi par rapport à l’ensemble des acteurs qui ont été nommés.

Quels sont les grands chantiers auxquels doit s’atteler la ALCIA et la haute autorité pour réprimer la corruption dans notre pays ?

Comme je l’avais dit tout à l’heure, ces grands chantiers aujourd’hui, c’est surtout au niveau de la dénonciation, de la sensibilisation et de la punition de ces actes. Il faut que ces acteurs soient punis et  rendus publics parce que le fait de ne pas rendre public les informations liées à ces auteurs de corruption qui sont punis donne l’impression à la population que rien n’est fait.

Quand on sait que son nom peut être publié au journal officiel, sur les réseaux sociaux comme corrupteur avéré, c’est un effet dissuasif. C’est à ce niveau que nous aimerions encourager le gouvernement et l’appareil judicaire à pouvoir publier. Nous aussi, les acteurs de la société civile, nous devons rendre public ce genre d’information, pas pour diffamer, mais juste pour dissuader les futurs candidats à la corruption.