Togo – Paul AMEGAKPO (ITG) : « On ne peut pas compter sur la volonté politique du Président de la République »

Société Civile Médias
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(Société Civile Médias) – Président de l’Institut Tamberma pour la Gouvernance (ITG), Paul AMEGAKPO, à l’instar d’autres acteurs politique et de la société civile, estime que les députés qui ont voté la modification de la constitution togolaise n’ont pas la légitimité nécessaire pour le faire. Soulignant que ce changement ne peut s’opérer que par voie référendaire, M. AMEGAKPO pense qu’on ne peut pas compter sur la volonté politique du chef de l’Etat pour sortir de la crise engendrée par la modification. Il en appelle donc à la mobilisation citoyenne pour empêcher le changement de constitution en cours. Paul AMEGAKPO s’est confié sur le sujet à nos confrères de TV5 Monde.

La proposition de loi visant la modification de la constitution a été voté par des députés dont le mandat a inspiré fin décembre. Les parlementaires togolais disposaient-ils de la légitimité nécessaire pour voter ce texte ?

Non, il est évident que les députés togolais n’ont pas la légitimité nécessaire pour changer la constitution togolaise. Le mandat de la 6ème législature est expiré depuis le 31 décembre 2023. Toutefois, du fait que la constitution permet à ces députés de rester en fonction jusqu’à la prise de fonction effective des députés élus, il va de soi que la même constitution, dans son article 144, alinéa 5, interdit expressément toute initiative de révision de la constitution pendant cette période intérimaire.

Comment expliquez-vous que le faut que les députés togolais n’aient pas choisi la voie du référendum comme ce fut le cas en 1992 ?

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Et pourtant, le référendum est aussi une obligation constitutionnelle. L’article 59 de notre constitution, à son alinéa 2, exige que la modification du nombre et de la durée du mandat du Président de la République ne puisse se faire que par voie référendaire. Et nous avons remarqué que, grâce à la révision qui a été adoptée, la durée du mandat du Président de la République est passée de 5 à 6 ans, et au lieu d’un mandat de 5 ans renouvelable une fois, c’est désormais un mandat unique de 6 ans.

Est-il possible que si cette loi est promulguée par le chef de l’État, qu’elle soit abrogée par le conseil constitutionnel ?

Il faudrait tout d’abord saisir le conseil constitutionnel. Et heureusement, l’article 102 de notre constitution a prévu des mécanismes pour saisir la Cour constitutionnelle. Nous pensons que les présidents des institutions de la République, ou les présidents des groupes parlementaires, qui ne seraient pas d’accord avec cette révision, pourraient saisir directement la Cour constitutionnelle pour soulever l’inconstitutionnalité de ce changement constitutionnel, avant même que le Président de la République n’ait la possibilité de le promulguer ou non.

Alors, le nouveau texte introduirait un poste de président du Conseil des ministres, élu pour 6 ans. Il aurait l’autorité et le pouvoir de gérer les affaires du gouvernement, selon le texte. Certains opposants estiment que ce texte est une manœuvre destinée à maintenir au pouvoir le président Faure Gnassingbé au pouvoir. Pensez-vous que leurs craintes sont justifiées ?

Oui, leurs craintes sont justifiées dans la mesure où à l’issue de la promulgation de cette nouvelle constitution, il aura la possibilité de faire un mandat de 6 ans. Et au terme de ce mandat, il peut donc être élu par le Parlement, le Sénat et l’Assemblée nationale, sans débat, comme Président du Conseil des ministres, pour un mandat à vie. Car le mandat du président du Conseil des ministres peut être renouvelé de manière illimitée.

L’épiscopat togolais a appelé le chef de l’Etat à ne pas promulguer la nouvelle constitution. Ils appellent à un dialogue politique. Pensez-vous que ce scénario est plausible ?

On ne peut pas compter à ce stade sur la volonté politique du Président de la République, dans la mesure où le fait de cacher des réformes constitutionnelles si importantes au peuple togolais, qui s’est réveillé le 26 mars pour se rendre compte qu’il était passé de la 4ème République à la 5ème République, montre clairement la volonté du régime de faire une percée. Ce que nous pensons, c’est une mobilisation citoyenne car la constitution de 1992 donne les prérogatives et la souveraineté au peuple, qui doit les exercer à travers ses représentants. Et nous avons constaté que ces représentants n’ont pas respecté la constitution que ce peuple avait adoptée par référendum. Ainsi, le peuple a désormais le pouvoir de contester cette procédure qui a été engagée, ou d’exiger qu’un référendum soit initié pour qu’il se prononce directement sur la modification de la loi fondamentale.