Tchad : Quatre rapporteurs spéciaux des Nations unies saisis suite aux massacres de civils

Société Civile Médias
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(Société Civile Médias) – N’Djamena – Genève, 24 octobre 2022 – Suite aux graves violations des droits humains qui viennent d’ensanglanter le Tchad, trois organisations des droits humains ont saisi les rapporteurs spéciaux des Nations Unies, a déclaré aujourd’hui l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

Le jeudi 20 octobre 2022, des milliers de manifestants s’étaient réunis dans plusieurs villes du Tchad à l’appel de l’opposition, pour demander un retour rapide à la démocratie. Suite à la mort du président Idriss Déby en avril 2021, son fils Mahamat Idriss Déby Itno lui a succédé sans processus électoral, ouvrant une « période de transition » de 18 mois. Mais le 1er octobre, M. Déby a annoncé que les élections seraient repoussées pour une période supplémentaire de deux ans.

Le 19 octobre, le ministre de la Sécurité publique a interdit tout rassemblement, et des dizaines de véhicules de la police nationale s’étaient mis à quadriller la capitale, N’Djamena. La répression a commencé jeudi dès 5h du matin, par des tirs de bombes lacrymogènes mais aussi à balles réelles contre des manifestants pacifiques. Ces attaques se sont ensuite généralisées à travers le pays et ont duré toute la journée, impliquant toutes les forces de police, de gendarmerie mais aussi des militaires.

L’OMCT et ses organisations membres au Tchad – la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH) et l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) – ont identifié, aux côtés des forces de sécurité, des personnes ne revêtant pas d’uniforme mais portant des armes, et qui étaient transportées dans des véhicules sans immatriculation.

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Des militants de la LTDH et l’ATPDH se sont rendus dans les morgues, les hôpitaux et les centres de santé et ont parlé aux proches des victimes. Ils ont ainsi identifié 80 morts dans la répression – chiffre provisoire -, dont un journaliste, ainsi que des centaines de blessés graves à N’Djamena, Moundou, Doba, Koumra et Bebedjia. Selon leurs informations, des centaines de manifestants ont également été arrêtés, et parfois torturés par les forces de sécurité, dans d’autres villes dont Abéché, Bongor, Mongo, Kyabé et Moissala.

Selon le gouvernement tchadien, une dizaine de policiers auraient été tués.

L’OMCT, la LTDH et l’ATPDH viennent de saisir quatre rapporteurs spéciaux des Nations unies : sur le droit de réunion pacifique et liberté d’association ; sur les défenseurs des droits humains ; sur les exécutions sommaires ; et sur la torture et autres formes de mauvais traitements. Cette saisine invite les experts à demander d’urgence la fin des violations des droits humains et des enquêtes indépendantes et impartiales, afin que les auteurs soient identifiés, jugés et sanctionnés et que les victimes obtiennent des réparations conséquentes.

Le gouvernement a instauré un couvre-feu et suspendu les activités de plusieurs partis politiques pendant trois mois. A N’Djamena, les actes de menaces et d’intimidation ont continué entre le 21 et le 23 octobre contre les civils et les partis politiques. Des véhicules militaires stationnaient ou circulaient dans presque tous les quartiers, et des tirs étaient entendus dans des quartiers comme Atrone, Gasi, Walia et Moursal. Des fouilles ont lieu dans des maisons ou sur la personne de résidents de certains quartiers, notamment à Atrone, autour du siège du parti Les Transformateurs.

Allégations d’exécutions sommaires ce matin

Des corps de manifestants tués ont été repêchés dans le fleuve Chari à N’Djamena pendant le weekend. Des salles de classe, ont celles du Lycée communal d’Abena situé dans la commune du 7ème arrondissement de la ville de N’Djamena, ont été transformées en prison. Des jeunes gens y auraient été exécutés sommairement ce matin-même. Par ailleurs, des sources concordantes confirment la déportation de personnes vers la prison de haute sécurité de Koro Toro, située en plein désert dans le nord du pays.

Les autorités ont coupé la connexion internet dans les villes et quartiers qui ont vu la plus forte contestation, ce qui rend la récolte de l’information en temps réel très difficile.

Ces violations graves se produisent alors que le Tchad s’apprête à présenter son deuxième rapport alternatif devant le Comité des Nations unies contre la torture, les 1ers et 2 novembre prochains. Le pays s’est illustré au cours de la dernière décennie par une violation systématique des droits humains et un recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements, notamment lors des manifestations pacifiques.

L’OMCT, la LTDH et l’ATPDH demandent aux autorités tchadiennes de se conformer à leurs obligations en droit international, notamment au respect pour le droit à la vie et à la dignité humaine. Les trois organisations demandent aussi aux partenaires internationaux du Tchad, dont l’Union africaine et la France, à intervenir auprès des autorités de transition pour qu’elles entament un retour immédiat à l’ordre constitutionnel.

L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) constitue la principale coalition internationale d’ONG luttant contre la torture et les mauvais traitements. Elle compte plus de 200 membres dans plus de 90 pays. Son Secrétariat international est basé à Genève, en Suisse.

Pour obtenir plus d’information, merci de contacter :

Iolanda Jaquemet, Directrice de la communication
ij@omct.org

+41 79 539 41 06