Economie sociale et solidaire : Avantages pour le Togo et les jeunes entrepreneurs, objectifs du FECOSSOL, Anani EKUHOHO se confie !

Société Civile Médias
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(Société Civile Médias) – L’événement est inédit et sera à sa première édition au Togo. Porté par l’Association Nos Années de Vie (ANAVIE), le Forum de l’Economie Sociale et Solidaire (FECOSSOL), prévu les 24 et 25 mars prochains à Lomé, se veut un cadre unique de rencontre et de discussions entre entrepreneurs sociaux et financeurs d’impacts. Qu’est-ce que l’Economie sociale et solidaire ? Que gagnera le Togo à adopter un tel modèle économique et quelles en seront les répercussions sur le plan social et pour l’entrepreneuriat des jeunes ? Président du comité d’organisation du FECOSSOL, Anani Mawuko EKUHOHO, dans cette interview, aborde de façon détaillée ce concept et ses avantages. Il revient par ailleurs sur le Forum de Lomé et ses principaux objectifs. Lisez plutôt !

M. Anani Mawuko EKUHOHO, commençons avec une question simple. Qu’est-ce que l’Economie sociale et solidaire ?

L’Economie sociale et solidaire est un mode d’entreprendre et de développement basé sur un certain nombre de principes. Généralement, ils sont au nombre de quatre.

Le premier principe qui définit l’ESS est l’entreprise comme une réponse à une utilité sociale. Le deuxième principe voudrait que l’entreprise ait une lucrativité limitée, c’est-à-dire que le traitement des bénéfices ou des résultats qui seront faits dans l’entreprise est reparti selon une règle simple : 51% de ces bénéfices doivent être réinvestis dans le développement de l’activité économique et 49% seulement doivent être partagés aux actionnaires ou parties prenantes s’il y en a. voilà les deux premiers principes qui caractérisent l’Economie sociale.

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Les deux autres principes de l’ESS sont la gouvernance et la viabilité du modèle économique. En effet, beaucoup de gens pensent que quand on parle de l’économie sociale, c’est de la philanthropie. Or ce n’est ni de la philanthropie, ni du social, ce n’est pas dénudé de bénéfice parce que si il n’y a pas de bénéfices, l’entreprise ne peut pas être viable et exister dans la durée. C’est au travers des bénéfices qu’on va réinvestir dans la viabilité du modèle économique. Voilà les 4 principes. Et s’ils sont tous réunis, alors on peut parler de l’ESS.

Dans la pratique, à quoi ressemble l’ESS ?

Dans la pratique, l’ESS peut ressembler à n’importe quelle entreprise. Mais cette entreprise, qu’elle soit à but lucratif ou non lucratif, doit respecter les 4 principes susmentionnés. Qu’est-ce que l’entreprise fait de ses bénéfices ? Quelle est la contribution de l’activité économique dans la société ? Est pour seulement créér des emplois, gérer les problèmes de l’environnement, répondre aux problèmes des personnes qui sont en situation de fragilité ? Dans la pratique, c’est tout modèle économique qui est basé sur les quatres principes de l’ESS. Donc ça peut être une entreprise à but lucratif mais qui intervient dans le secteur social ou environnemental par le biais de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise qu’on appelle la RSE. Donc aujourd’hui, l’ESS, dans la pratique, n’est pas seulement réservé aux entreprises ou aux organisations à but non lucratif. Les organisations et entreprises aussi peuvent être acteurs à travers le mécanisme de la RSE.

Dans l’ESS, priorité est faite à l’impact avant le bénéfice. Pourquoi ?

Parce que c’est la règle d’or des entreprises et acteurs de l’ESS. L’entreprise est créée premièrement pour avoir un impact sur la société. Ça peut être un impact environnemental ou un impact sociétal. Donc l’impact est prioritaire dans l’objet même de l’entreprise. Ce qui fait que les entreprises qui sont dans l’ESS peuvent généralement faire des pertes à leur début. Elles peuvent faire 4 à 6 ans sans avoir de bénéfices. Mais elles répondent à un besoin social. C’est pour cela que beaucoup d’entreprises qui sont dans l’ESS vivent souvent de la subvention des Etats ou des organisations internationales qui n’ont pas vocation à attendre un retour sur investissement. Mais on a constaté que ce modèle ne permet pas de régler le 4e principe de l’ESS qui concerne la viabilité du modèle économique. Vous ne pouvez pas vivre longtemps en ne dépendant que des dons et des subventions.

Mawuko Anani EKUHOHO lors de l’interview

Qui sont les cibles de l’ESS ?

Aujourd’hui, on estime que tous les acteurs, au niveau mondial, sont concernés par l’ESS. L’ESS n’a pas de préférence, c’est un concept, un mode de vie, un modèle économique qui peut intéresser tout le monde. Que vous soyez jeune entrepreneur, que vous soyez dans le secteur de l’entrepreneuriat social, que vous soyez un acteur étatique ou un acteur institutionnel, l’ESS a pour seul objectif d’être une alternative au modèle économique capitaliste. Parce que l’économie capitaliste a montré ses limites et aujourd’hui le monde entier et surtout la jeunesse a soif d’un nouveau modèle économique dans lequel elle se retrouve.

Aujourd’hui, 99% de la population vit au dépend de 1% qui détient la richesse du monde et c’est cela la réalité. Donc les acteurs de l’ESS sont dans tous les secteurs que ce soir les BTP, la santé, l’agriculture, l’environnement pour ne citer que ceux-là. Il n’y a pas d’acteurs privilégiés mais il faut aussi reconnaitre que le modèle de l’ESS existe depuis le 19e siècle mais il était seulement réservé aux acteurs qui sont souvent connu sous le modèle coopérative, mutuelle ou ONG. C’est à partir des années 2000 avec les Objectifs de développement durable que l’ESS que ce modèle économique a commencé à être promu pour aider à l’atteinte des ODD à l’horizon 2030.

Vous aviez évoqué les jeunes dans les cibles de l’ESS. Justement, quelle relation y a-t-il entre l’entrepreneuriat des jeunes et l’ESS ?

Aujourd’hui, il faut que les jeunes comprennent que l’ESS est appelée l’économie de la jeunesse. Parce que dans ce modèle économique, il n’y a pas encore de saturation, les grands ne mangent pas les petits parce que ce n’est pas une économie capitaliste. Or les jeunes que nous sommes, avec nos initiatives, quand nous commençons, rapidement nous faisons face à la concurrence des grands. L’entrepreneuriat des jeunes a comme terrain favori aujourd’hui l’ESS où beaucoup d’acteurs de grandes entreprises ne sont pas encore présents sur ce secteur là. Ça permet aux jeunes de pouvoir se tailler une place, de développer leur modèle économique et de pouvoir aussi grandir sans être confrontés à la pression de la concurrence des grands groupes. Voilà pourquoi l’entrepreneuriat des jeunes et l’ESS doivent faire chemin ensemble.

La RSE et l’ESS, quel lien y a-t-il entre les deux concepts ?

La RSE est une démarche et aussi un moyen d’impliquer les grandes entreprises dans la résolution des problèmes environnementaux et sociétaux. La RSE est donc un élément de l’ESS. C’est un chemin par lequel les entreprises à but lucratif peuvent s’impliquer dans l’ESS. Ces entreprises passent par la RSE pour être solidaires des acteurs de l’ESS. Bref la RSE se retrouve dans l’ESS par l’implication des entreprises à but lucratif.

L’ESS et l’économie de marché, l’économie numérique, l’économie circulaire, l’économie bleue, quelle différence ?

La seule différence plausible c’est celle qu’il y a entre l’ESS et l’économie de marché. Dans l’ESS, on peut retrouver d’autres formes d’économie que sont l’économie bleue qui concernent les activités économiques liées aux océans, aux mers et à leurs côtes, l’économie numérique qui est relative aux activités économiques liées au digital, l’économie circulaire qui est un modèle économique spécifiques à des secteurs.

Mais aujourd’hui, que ce soit l’économie numérique, que ce soit l’économie circulaire, l’économie bleue, l’économie verte, ça peut se basculer entre deux modèles économiques. Soit c’est une économie numérique mais qui est capitaliste ou soit c’est une économie numérique mais qui est socialement solidaire. Quelqu’un peut faire de l’économie numérique, l’économie bleue dont la redistribution des bénéfices est purement capitaliste. L’ESS est soucieux non seulement du bien-être des gens, mais aussi de l’équité, l’équilibre entre les ressources que nous utilisons et les ressources que nous employons.

Dites-nous, quel intérêt le Togo a à adopter un tel modèle économique ?

L’intérêt pour le Togo de s’engager dans un ce modèle écomique se retrouve à trois niveaux principaux.

Le premier niveau c’est que le Togo est dans une dynamique de développement décentralisé. L’ESS est modèle économique par excellence des collectivités. En s’engageant dans ce modèle économique, le Togo peut bien accompagner cette dynamique de décentralisation en équipant les élus locaux de mécanismes et d’une organisation qu’il faut pour pouvoir répondre aux besoins de leurs populations. Dans ce sens, il faut que le Togo s’engage en mettant en place un cadre législatif qui va faciliter et permettre de promouvoir ce modèle économique à un niveau plus élevé.

Le second intérêt pour le Togo se situe au niveau de l’emploi de jeunes. Comme je le disais précédemment, l’entrepreneuriat des jeunes et l’ESS sont intimement liés parce que l’ESS permet aux jeunes d’avoir un terrain sur lequel il n’y a pas de concurrence avec les plus grands. Au Togo, selon les statistiques, 35 000 diplômés arrivent sur le marché de l’emploi chaque année. Sachant qu’il ne peut pas les employer tous, l’Etat a mis en place des mécanismes de promotion de l’entrepreneuriat des jeunes. Or nous savons que l’entrepreneuriat des jeunes dans un modèle économique purement capitaliste où les banques n’ont que des ressources à court terme aura de la peine à marcher. Ceci parce que les jeunes auront besoin de beaucoup plus de temps pour asseoir leurs entreprises. Donc les ressources disponibles sur le marché actuel ne répondent pas aux ambitions de l’Etat en ce qui concerne l’entrepreneuriat des jeunes.

Le troisième intérêt se situe dans le fait que le Togo a besoin d’investisseurs étrangers qui viendront investir dans le pays. Mais le cadre qui existe aujourd’hui ne permet pas à ceux qu’on appelle des investisseurs d’impact qui doivent accompagner l’économie solidaire de venir accompagner la politique sociale de l’Etat. L’économique sociale est donc une urgence parce qu’elle permettra de baliser la voie à ce cadre.

Parlons maintenant du Forum de l’économie sociale et solidaire, FÉCOSSOL, dont la première édition a été annoncée il y a quelques jours. Qu’est-ce que c’est exactement ?

Le FECOSSOL est un événement qui se veut un cadre annuel de rencontre et de promotion de l’économie sociale et solidaire au Togo. La première édition se tiendra les 24 et 25 mars prochains avec des objectifs précis.

Quels sont justement ces objectifs ?

Ce que nous visons prioritairement à travers ce forum, c’est de créer un cadre de rencontre et de discussions entre les acteurs ou entrepreneurs d’impact et les financeurs d’impact. Je disais tantôt que le financement disponible sur l’économie de marché n’est pas adapté au modèle entrepreneurial que les jeunes développent. Il s’agit donc de permettre à ceux qui veulent financer l’impact autour des projets puissent le faire.

Le deuxième objectif est de semer des graines de l’ESS dans l’esprit des jeunes. L’ESS est l’économie d’avenir. Et si les choses doivent changer à l’avenir, c’est la jeunesse qui sera porteuse de cette transformation. Le forum veut permettre aux jeunes de mieux cerner l’ESS et voir comment ils peuvent devenir acteurs de ce modèle économique très vertueux.
Le troisième objectif est d’éclairer et d’outiller les acteurs sur le modèle. Il faut dire beaucoup d’organisations et d’acteurs le pratique, mais s’il faut les évaluer, on peut en conclure qu’ils ne sont pas vraiment rodés en la matière parce que ne respectant pas forcément les 4 principes de l’ESS. Il faut donc les éclairer et les outiller pour que le modèle soit pérenne et profite à tous.

Voici résumé les objectifs de la première édition du FECOSSOL. Nous ésperons que par son biais, nous allons susciter au sein des pouvoir publics des initiatives pour motiver la mise en place d’un cadre législatif pour permettre le développement réel de ce modèle économique au Togo.

Quels seront les grands moments de cette rencontre ?

D’abord il faut rappeler que l’événement va se tenir sur deux jours, les 24 et 25 mars. Dans les matinées des deux jours, il est prévu des panels de discussions, plus précisément deux chaque matinée.
Par contre, dans l’après-midi des deux jours, il y a aura le road show des acteurs. Dans l’après-midi de la première journée, il est programmé le road show des acteurs qui sont acteurs de bonnes pratiques. Nous évoquions toute à l’heure la RSE. Justement, nous voulons donner l’opportunité aux bons élèves, notamment les entreprises privées à but lucratif qui essayent de s’impliquer dans le terrain social et environnemental à travers la RSE, de venir parler de leurs expériences et de leurs contributions.


Dans l’après-midi de la deuxième journée, il y a une activité innovante et intéressante pour la jeunesse. Nous donnerons aux jeunes porteurs de projets la possibilité de venir présenter leurs projets devant un parterre d’experts qui se chargeront d’analyser leur pertinence et voir comment ils peuvent être présentés aux bailleurs et financeurs d’impacts. Les projets qui seront sélectionnés seront portés devant les investisseurs pour qu’ils puissent trouver des financements avec un accompagnement jusqu’à leur maturité.

Un mot de fin ?

Tous ceux qui sont fatigués du modèle économique capitaliste doivent savoir qu’il y a une alternative et c’est l’ESS qui a un élan appréciable aujourd’hui au niveau mondial. Beaucoup d’Etats riches comme pauvres sont dans cette dynamique et le Togo ne sera pas le dernier du peloton. A travers le FECOSSOL, tout le monde peut être acteur de cette économie. Nous invitons donc les curieux et ceux qui veulent être des acteurs de ce changement de modèle économique à se joindre à nous pour partager les deux jours de réflexion et de discussion.