Les points clés de l’« étude qualitative sur la masculinité, la féminité et les relations de genre au Togo »

Société Civile Médias
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(Société Civile Médias) – Bien plus qu’une simple enquête, il s’agit d’un travail de fond dont l’objectif est de permettre aux acteurs de cerner les contours de la perpétuation des normes et relations de genre inégalitaires et d’envisager des actions de transformation de celles-ci. Commanditée par le réseau « MenEngage Togo », l’« étude qualitative sur la masculinité, la féminité et les relations de genre au Togo » a dévoilé ses résultats mercredi 24 février à Lomé. Que savoir de cette étude ?

Présenté aux acteurs concernés au cours d’un atelier organisé à Lomé, cette étude qualitative a été menée dans les 5 régions du Togo et dans le District Autonome du Grand Lomé. Menée par CERA Group à l’initiative de l’ONG AFAD (Alliance Fraternelle Aide pour le Développement), elle a couvert aussi bien le milieu urbain que rural et a permis d’interroger 222 individus à travers des entretiens approfondis, des discussions de groupe et des études de cas avec des victimes de violences basées sur le genre (VBG).

L’étude a pour, entre autres objectifs, d’appréhender le contenu des concepts de masculinité et féminité ; de cerner les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes ; d’identifier les facteurs essentiels de la masculinité et de la féminité. Elle entend également permettre de saisir les facteurs de blocage de l’engagement des hommes et garçons dans l’équité genre, la santé sexuelle et reproductive et la lutte contre les violences basées sur le genre.

« Avant de commencer des activités sur un terrain, il est tout à fait normal de chercher à avoir une idée de la situation qui prévaut sur ce terrain. En tant que jeune réseau qui s’implante, MenEngage Togo a voulu scanner l’environnement du pays pour voir ce que les gens pensent de la masculinité, de la féminité et des relations de genre. C’est ce qui sous-tend cette étude que nous avons commanditée », explique Kokou Edem Agboka, coordinateur de « MenEngage Togo ».

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Photo de famille lors de l’atelier

Compréhension et expression de la masculinité et de la féminité

Selon les résultats de cette étude, la masculinité tire son essence de l’organe mâle. Elle relève du « sexe fort ». La masculinité est ainsi dérivée de la virilité. A cela, est conféré un ensemble d’attributs qui forment et définissent le caractère de l’homme dans la société. Il s’agit de sa capacité à diriger son foyer, à relever les défis face à n’importe quelle situation et à faire de durs travaux. Ces attributs selon les enquêtés, font de l’homme, le chef incontesté et incontestable du ménage et de la famille.

Comme la masculinité, la féminité se définit également par ce qui relève du « sexe faible » et ceci en relation avec l’homme. Pour la majorité des personnes interrogées par cette étude, la féminité tire sa substance de la subordination ou de l’allégeance de la femme à l’homme.

Par ailleurs, l’étude révèle qu’au Togo, il existe des expressions pour symboliser et caricaturer la masculinité.

« Ce sont des expressions qui sont remplies de connotations plus ou moins négatives selon qu’on veut rappeler à l’homme de démontrer qu’il est un responsable ou qu’il détient l’autorité que la société lui a conférée et dont il ne peut se priver », peut-on lire dans le résumé synthétique de l’étude qui relève aussi quelques-unes des nombreuses expressions pour signifier que le comportement d’une femme n’est pas compatible avec les attributs que la société lui a conférés : « Sois soumise » ; « Femme inintelligente » ; « Petite femme, paresseuse » ; « Sois vaillante et courageuse » ; « Change ta façon de vivre,… ».

Dualité du concept de masculinité

Deux acceptions du concept de masculinité ressortent de cette étude, l’une positive et l’autre négative.

La masculinité positive se fonde sur le rôle de l’homme en tant que père de famille et de ménage détenant l’autorité, responsable de ses actes et qui répond à toutes les obligations qui sont attendues de lui.

Quant à la masculinité négative, elle se fonde sur l’exercice de l’autorité que la société confère à l’homme et qu’il use dans son état pur. Cette masculinité « féodalise » la femme, faisant d’elle la propriété et le valet de l’homme, celle qui doit lui être soumise et accomplir ses désirs.

De la masculinité et la féminité aux relations de genre inéquitables

Aussi, l’étude révèle que la représentation que se fait l’homme de la femme, influence de facto les rapports qu’il entretient avec elle. Cela détermine aussi la perception qu’il a du rôle social de la femme et de ses droits.

« Les données montrent que l’homme et la femme ne jouissent pas d’un même statut dans la société : l’homme a le rôle de chef, de leader, de meneur. Il incarne l’autorité dans sa pure forme et par la force physique. Par contre, la femme est vue comme  ‘‘inferieure’’ sur le plan de la force physique et a, de ce fait, un rôle d’accompagnateur et d’aide de l’homme. Toutes ces considérations créent des rapports inégaux et d’iniquités entre l’homme et la femme », révèle le document.

Par ailleurs, ces inégalités touchent également d’autres domaines tels que la santé en générale et la santé de la reproduction en particulier.

L’étude a également porté sur les trois principaux facteurs évoqués comme influençant la définition de la masculinité et de la féminité : il s’agit de la tradition, la religion et l’éducation. Elle a …les blocages à l’engagement des hommes et des garçons dans l’équité genre, la Santé sexuelle et de la reproduction et la lutte contre les violences basées sur le genre.

Défaire les normes, croyances et pratiques sociales

Déconstruire les conceptions anciennes des relations de genre, tel est le travail auquel « MenEngage Togo » compte se consacrer cette année. Un travail qui a déjà commencé avec la campagne digitale et médiatique dénommée « Suis-je un homme ? », lancée lundi 11 janvier 2021 pour promouvoir une masculinité positive qui va contribuer à établir des relations de genre équitables garantissant à l’homme et à la femme les mêmes droits.

«En plus de la campagne digitale, nous allons organiser des dialogues ou campagnes de discussions publiques et médiatiques pour montrer les affres de la masculinité négative et les bénéfices qu’on peut attendre de la masculinité positive. Nous allons également engager les garçons dans les rôles transformateurs de genre et développer des activités d’autoréflexion sur la transformation genre avec les institutions décentralisées et les leaders traditionnels, religieux et communautaires. Ceci nous permettra de commencer à déconstruire les anciennes conceptions des relations du genre qui sont toxiques à l’évolution de la société », indique le coordinateur de « MenEngage Togo ».

Le réseau compte également mener des actions auprès des autorités.

« Les documents synthèses qui ont été présentés à cet atelier constituent des outils de plaidoyer pour les membres du réseau auprès des secteurs ministériels afin d’identifier et de mener des actions novatrices et concrètes permettant la prise en compte de l’approche transformatrice genre dans les politiques et programmes en matière de SSRD et VBG au Togo », fait savoir Bernadette Assionvi Tomety, secrétaire générale adjointe du Groupe de réflexion et d’action Femme, Démocratie et Développement (GF2D), une des organisations membres du réseau ‘MenEngage Togo’.

L’atelier de dissémination des résultats de l’« étude qualitative sur la masculinité, la féminité et les relations de genre au Togo » a été couplé du lancement officiel du réseau « MenEngage Togo ».