TOGO/INTERVIEW : Survivante du cancer, Bella ATTISSO redonne de l’espoir aux personnes malades

luzdelsol668
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(Société Civile Média) – Avoir le cancer, surtout à un stade très avancé, est sans nul doute l’une des situations les plus difficiles à supporter. En guérir relève presque d’un miracle. Pourtant, Bella ATTISSO (photo)  y est parvenue. Victime du cancer de sein, stade III, cette comptable de profession avait très peu de chance de survivre, les médecins lui ayant diagnostiqué une énorme tumeur se propageant à grande vitesse. Mais elle a survécu, « par la grâce de Dieu » comme elle aime si bien le clamer. Désormais, à travers son association, ‘NUTIFAFA SHELTER’, elle se bat pour accompagner les malades du cancer afin de leur offrir un environnement de paix leur permettant de se focaliser sur la lutte contre la maladie. Dans cet entretien avec Société Civile Média, Bella ATTISSO revient sur sa  difficile expérience de survivante du cancer. Elle parle entre autres de son association et évoque ses objectifs ainsi que ses futurs projets. Lisez plutôt.

Madame Bella ATTISSO, vous êtes la fondatrice de l’Association « Nutifafa Shelter ». Pouvons-nous en savoir un peu plus sur vous ?

Je suis Bella ATTISSO, survivante de la maladie de cancer stade III, mariée et mère de famille, je vis aux USA depuis quelques années. Comptable de profession, je poursuis aussi des études supérieures pour des certifications en Comptabilité. J’ai aussi suivi d’autres formations dans ce qu’on appelle ici « Cancer Care Ministry » qui m’a aidé à bien jouir de ma passion de venir en aide aux malades surtout à ceux qui souffrent du cancer.

On vous présente comme une femme de foi et une survivante du cancer de sein. Parlez-nous brièvement de cette expérience que vous avez vécue et qui, certainement, n’a pas été facile pour vous et votre famille.

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Bien évidemment, c’est une expérience qui n’a pas été du tout facile, je dirai même que c’était presque impossible mais la bible dit : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » (Luc 18 :26). Je ne suis pas un pasteur, mais j’ai fait mienne cette parole divine et aujourd’hui je suis comptée parmi les survivants, non pas parce que je suis une sainte ou que je vaux mieux que les autres, mais par sa Grâce et le sacrifice de Jésus Christ pour nous tous.

Quand j’ai été diagnostiquée de la maladie, étonnement je n’avais pas eu peur que j’allais mourir. La peur est donc née quand les docteurs ont confirmé que ma chance de survivre était très insignifiante vu la taille de la tumeur et la vitesse de sa propagation. Ma seule inquiétude en ces moments était mes enfants et la question que je me posais était « qui s’occupera d’eux et qu’est-ce qu’ils vont devenir ? » car je les voyais désorienter et s’inquiéter pour ma santé. Je profite pour saluer mon époux qui n’a jamais baissé les bras ainsi que toute ma famille qui était un grand soutien. J’ai suivi 8 séances de chimiothérapie, la chirurgie et cinq semaines de radiothérapie.

Bella ATTISSO, fondatrice de l’association’Nutifafa Shelter’

Cette maladie, en vérité, est très stressante. Ces inquiétudes nées de mon profond stress ont donc aggravé mon état de santé. Mais elles ont été levées le jour où j’étais convaincue qu’il y a une force suprême qui veille sur nous tous. Et cette force, c’est la puissance de Dieu. C’était donc le soir où l’ambulance m’a transporté d’un service d’urgence où les résultats des analyses montraient que mon taux de globules blancs était presque que nul. Effectivement, pendant des jours avant le soir-là, je ne ressentais pas la faim, je ne prenais que de l’eau. L’ambulance a fait 3 heures de route du service d’urgence vers le centre où je me traitais. Ce moment de soins intensifs dans les services d’urgence est en lui seul un autre grand chapitre qui prendra des heures à conter. Mais en tout, c’est un témoignage vivant pour les médecins qui me soignaient car ils ne s’attendaient pas à mon rétablissement. Non pas parce que qu’ils souhaitaient ma mort, mais parce que la situation était dégradante. Dieu a donc, une fois encore, montré son amour.

Découvrez plus d’informations sur l’association en visitant sa Page Facebook

Est-ce cette expérience qui vous a poussé à créer « Nutifafa Shelter » ?

Oui. Nutifafa en éwé signifie la Paix, et Shelter vient de l’anglais qui signifie un toit ou un abri. Nutifafa Shelter est née de ma vision d’accompagner les malades en vue de leur offrir un environnement de paix, leur permettant de se focaliser sur la lutte contre la maladie. Bien sûr, cet environnement de paix seul ne suffit pas, mais par expérience, cela reste indispensable au patient. J’ai compris qu’à part les efforts des docteurs, nous en tant que familles ou société civile, devons apporter notre pierre pour sauver des vies. Personnellement, le soutien moral était une arme puissante dans ce combat et j’ai rencontré de nombreux survivants du cancer qui ont témoigné de l’importance de ce soutien-là.

Aussi, au cours d’une conférence sur les soutiens à apporter aux malades de cancer aux Etats Unis, organisée par « Our Journey Of Hope », qui a regroupé de différents médecins, cancérologues, chirurgiens et hommes de Dieu de différentes conceptions religieuses et même des athées, il a été encore prouvé que les patients qui ont reçu 60% de soutien spirituels (la foi en Dieu), 30% de soutien médical (ce que font déjà les médecins) et 10% de soutiens morals (environnement sans stress pour le patient), ont beaucoup plus de chances de survie. Donc je dirai que cette expérience m’a poussé à créer un toit de paix pour les souffrants de cancer tout en les encourageant à invoquer Dieu avec foi.
Nutifafa Shelter, dans sa mission, couvre donc déjà près de 70% du combat.

Bella ATTISSO (en casquette) lors d’une activité de l’association aux USA

Parlons justement de votre association qui intervient essentiellement dans la prévention et la lutte contre les maladies chroniques telles que le cancer. Quels sont les objectifs essentiels qu’elle poursuit ?

En réalité, nous n’intervenons pas dans la lutte et prévention du cancer même si nous faisons de la sensibilisation. Notre vision c’est d’apporter un soutien moral et pratique aux patients pendant que les médecins sont en train de jouer leur rôle. Que vous vivez dans un pays développé ou en voie de développement, le coût du traitement du cancer est exorbitant. Pour alléger ces charges, Nutifafa Shelter apporte donc des moyens de soutien pratique en prenant en charges par exemple les enfants des patients sans distinctions de sexe, de race, de religion. Sans oublier les orphelins qui ont perdu malheureusement leurs parents suite à la maladie de cancer.

L’association organise aussi des activités récréatives et des loisirs à l’endroit des enfants concernés. Nous prenons en charge en partie ou en totalité la scolarité de ces enfants. Dans certains cas, l’association prend en charge les dépenses alimentaires des enfants. Une de nos résolutions est aussi de faire renaitre l’espoir aux malades à travers notre « Cancer care Ministry »

Outre le Togo, « Nutifafa Shelter » intervient-elle dans d’autres pays ?

Par la grâce de Dieu nous intervenons aussi aux USA. Et nous serons bientôt en Europe et dans d’autre pays de l’Afrique comme le Mali ou la Côte d’Ivoire. Nous sommes en discussions avec des partenaires. Nous allons vous revenir très bientôt sur nos projets dans les pays susmentionnés.

Qu’a déjà fait l’association depuis sa création ?

Depuis sa création en Septembre 2019 au Togo, nous avons été au chevet des malades du Centre Hospitalier Préfectorale Notsé sous le projet dénommé « Opération Joie ». C’était en Décembre 2019. Cette opération nous a permis de distribuer des vivres aux patients de l’hôpital. Nous profitons de l’occasion pour remercier le Dr AGBESSIME Komi Djramedo, Directeur de cette structure, qui a mis toute la logistique du centre afin que cette opération soit une très grande réussite, sans oublier Dr Abalo Tchala pour son soutien.

Entre temps l’association est venue en aide aux enfants qui ont perdus des parents suite au cancer dans la localité de Vogan et Kpalime. Des vivres et des fournitures scolaires leur ont été distribués.
L’association est aussi venue en aide à certaines églises de Lomé en vue de soutenir les fidèles en ces moments difficile de COVID19. Outre l’opération « Face au COVID-19 » du CHU SO de Lomé, Nutifafa Shelter prévoit des activités récréatives à l’endroit des enfants pour l’Octobre Rose.

Aux USA, notre association travaille en collaboration avec ‘American Cancer Society’ en mettant à la disposition des malades des moyens de transport adéquat dans le cadre du traitement.
L’association prévoit une grande soirée d’activités récréatives dans le mois d’août, soirée dénommée « Sky Zone », pour les enfants des familles affectées par le cancer. Cette opération se déroulera à Greenville, en Caroline du Sud.

Au-delà de ce qu’elle a déjà accompli, que projette l’association à moyen et long terme ?

Nos Etats disposent des structures de prises en charges qui, des fois, peuvent être à l’étape embryonnaire. Nutifafa Shelter veut accompagner les dirigeants et les centres hospitaliers dans la lutte contre la maladie.

Vers la fin de cette année, l’association prévoit une grande sortie de sensibilisation des populations de Lomé, Tsévié et Kara sur le cancer ou d’éminents docteurs nationaux et internationaux interviendront.
Dans les périodes de fête de fin d’année à venir, une opération de surprise : «Père noël » est prévue pour les enfants.

Le cancer, il faut l’avouer, n’est pas encore une priorité en matière de santé publique dans la plupart des pays d’Afrique dont le Togo. Qu’est-ce qui, selon vous, explique le fait que le mal ne soit pris au sérieux par nos Etats ?

Je pense plutôt que les pays en voie de développement comme le Togo ont de nombreuses priorités à la fois. C’est ce qui fait que ce mal semble ne pas être pris au sérieux. Dans nos pays où tout est urgent, les pouvoirs publics font ce qu’ils peuvent. Nous avons nos écoles qui ont besoin de bancs par exemple, nos universités qui ont besoin de plus d’amphis, nos routes ou centres hospitaliers qui ont besoin d’être construits. Quand le cancer vient s’ajouter à tout ça, il n’est pas évident qu’il soit considéré comme une priorité.

Remise de don à une des bénéficiaires lors de l’appui de l’association aux parents des enfants malades du cancer au CHU SO de Lomé

A « Nutifafa Shelter », comment comptez-vous procéder pour amener les dirigeants africains à accorder plus d’importance à ce mal ?

Il y a quelques années, le cancer était inconnu du grand public. Mais aujourd’hui, les données ont changé et nous avons beaucoup plus de cas liés à cette maladie. Depuis la chimiothérapie en passant par la chirurgie jusqu’à la radiothérapie, le traitement est très onéreux comme je l’avais mentionnée précédemment. Imaginez qu’une seule machine de radiothérapie peut coûter 1,5 Milliards de francs CFA et ce n’est pas tout, il faut compter aussi les médicaments de la chimiothérapie et de la chirurgie. Je ne suis pas sûr que nos gouvernements peuvent facilement l’affronter.

Nous sommes en train de proposer que nos gouvernements mettent en place des structures d’attraction pour le retour des docteurs nationaux.Former l’équipe médicale sur les nouvelles méthodes de traitement de la maladie.

L’idéal serait de voir les Etats s’unir pour la construction d’un grand centre de traitement dans la sous région ouest-africaine (CEDEAO) par exemple. Nos universitaires doivent à leur niveau s’investir dans la statistique sur les données de la maladie pour des prévisions etc.

Par ailleurs, des études ont montré que de nombreux Togolais soufrant de la maladie, vont consulter quand il est déjà trop tard. En tant que survivante du cancer, quels conseils avez-vous à prodiguer à vos compatriotes concernant ce mal ?

Il est très facile de jeter un regard accusateur sur les gens. La réalité quotidienne de nos populations fait que les gens préfèrent investir dans « probablement le seul repas de la journée » que d’aller se faire soigner.
Je voudrais rappeler à mes sœurs et mamans d’arrêter de penser que le cancer est systématiquement le résultat d’un envoutement et de chercher à se faire consulter par un médecin spécialiste en la matière dès que possible. Il y a beaucoup de vidéos sur YouTube et partout ailleurs qui font l’éloge des remèdes miracles par exemple l’utilisation du corossol ou de ses dérivés. Croyez-moi, j’ai utilisé tout ça, et cela n’a donné aucun résultat.

Les informations sur l’association sont également disponibles sur son site internet

J’aime la médecine traditionnelle, d’ailleurs j’ai grandi dans une famille ou la prise de tisane ne manquait jamais. Malheureusement, j’attends toujours que la médecine traditionnelle fasse ses preuves avec le cancer.

Le meilleur conseil que je peux donner, d’après mes expériences, c’est de se faire dépister soi-même de temps à autre. Autrement dit, avec le cancer de sein par exemple, il y a des gestes pratiques qu’une femme peut se faire pour constater la présence d’une masse ou tumeur dans son sein. Aussi, il y a des structures comme l’ATBEF ou ‘ONG Femme Sans Cancer’ qui organisent occasionnellement le dépistage médial gratuit. D’autres, encore comme la Clinique BIASA, offrent le dépistage à moindre coût occasionnellement dans le mois d’octobre il y a également l’ONG LAFIA qui accompagne aussi dans le dépistage. Je conseille à mes compatriotes d’aller vers ces centres-là. Le cancer peut être bien soigné s’il est très tôt diagnostiqué.

Don de l’association aux malades du CHP Notsè

Un mot de conclusion ?

D’après un dicton de chez nous, « Celui qui se noie ne peut se sauver ». J’aimerais donc rappeler à nos dirigeants, responsable religieux, médecins, familles, bref toutes les couches de la société que nous avons tous notre partition à jouer. Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons vaincre ce mal.

Je voudrais souligner un point très important concernant Nutifafa Shelter. L’Association travaille exclusivement sur fonds propres venant des cotisations des membres. C’est le lieu de dire merci à tous les membres qui, continuellement, soutienne cette vision et aussi rappeler que nous ne devons pas toujours attendre des aides de l’extérieur ou de nos gouvernements. Je vous remercie.

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