REFLEXION: À quoi reconnaît-on le caractère pacifique d’une manifestation ?

luzdelsol668
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(Société Civile Média) –  L’actualité relative à l’exercice de la liberté de manifestation au Togo est des moins reluisantes. En effet, il est constaté une recrudescence des restrictions à la liberté de manifestation au Togo. Depuis le début de cette année, environ 5 manifestations ont été interdites ou ont vu leurs itinéraires modifiés. Certaines de ces manifestations, ont fait l’objet d’interdiction, voire de répression tout simplement parce que les organisateurs et les autorités en charge de la protection de l’ordre public n’ont pas trouvé un accord sur le caractère pacifique ou non de la manifestation. Alors que les premiers rassurent du caractère pacifique de leurs réunions, les seconds, se basant sur des faits réels ou supposés, ,contestent la nature pacifiste de la manifestation. L’exemple de la manifestation prévue par le Parti National Panafricain à Atakpamé en est la parfaite illustration. Alors que le préfet et les chefs traditionnelles se fondant sur des faits, contestent le caractère pacifique de la future manifestation et menacent par ailleurs de faire sortir des « ABRAFO » comme guise de riposte, ou de l’interdire tout simplement, le représentant du Parti, par le truchement de plusieurs déclaration, affirment le caractère pacifique de sa manifestation.

Dans un contexte où le juge administratif n’est systématiquement pas saisi pour clarifier le contexte et départir les différents protagonistes, une grande question demeure : À QUOI PEUT-ON RECONNAITRE LE CARACTERE PACIFIQUE D’UNE MANIFESTATION PUBLIQUE ?

Par Syril AGBLEGOE
Juriste au CDFDH

La loi de 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques définit une réunion ou manifestation pacifique comme « tout rassemblement momentané de personnes, concerté et organisé quel qu’en soit l’objet, ou tout cortège, défilé, rassemblement de personnes :
– n’ayant pas un objet violent,
– ou n’étant pas destiné à créer, encourager, ou inciter à la violence,
– ou encore ne portant pas atteinte à l’ordre public.

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Cette définition parait claire, mais au regard de l’exemple ci-dessus évoqués, on se demande :
 qui apprécie l’objet violent ou non de la manifestation ?
 qui apprécie si la manifestation est destinée à encourager ou inciter la violence ou pas ?

Est-ce les autorités ? Ou les organisateurs ?

Dans le silence la loi du de mai 2016, il convient de recourir aux standards internationaux en la matière :

1- L’intention pacifique des organisateurs

Au terme des dispositions des lignes directrices de l’union africaine sur le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique :

« Une réunion devrait être réputée pacifique si ses organisateurs ont exprimé des intentions pacifiques et si la conduite des participants à la réunion est généralement pacifique ».

Dès lors que les organisateurs d’une manifestation professent des intentions pacifiques et non-violente, et si la conduite des participants à la réunion est généralement non violente, cette manifestation devrait être réputée pacifique
Le rassemblement ne doit donc pas avoir pour but directement d’attaquer ou de casser ; les personnes dans la foule ne doivent pas porter des objets permettant de commettre la violence. Aussi, les organisateurs se doivent, avant la manifestation, d’informer les autorités et se conformer à la procédure administrative y afférant.

IL EN RESULTE QUE :

 Le recours à la force constitue une mesure exceptionnelle ; Dans l’exercice de leurs fonctions, les agents chargés de l’application des lois doivent, dans la mesure du possible, appliquer des mesures non violentes avant d’avoir recours à la force et aux armes à feu.

 Les agents chargés de l’application des lois doivent dans la mesure du possible et aussi longtemps que possible distinguer les participants pacifiques à une réunion et les personnes qui commettent des actes violents parce que « Un individu ne perd pas le droit de participer à une manifestation par suite de violences ou d’autres actes violents commis par d’autres personnes durant la manifestation »

2- L’objectif « pacifique » inclut des comportements susceptibles d’indisposer ou d’offenser des tiers

D’après les lignes directrices de l’Union africaine sur le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique l’adjectif « Pacifique » doit être interprété comme incluant une conduite susceptible de heurter ou de mécontenter et comme une conduite gênant, ralentissant ou entravant temporairement les activités de tiers. Des actes isolés de violence ne rendent pas non-pacifique la tenue générale d’une réunion.

IL EN RESULTE DONC

La réunion ne devrait pas être dispersée ou interdite sur la base de motifs tenants du fait qu’elle peut entraver, empêcher ou gêner les activités de tiers.

Ensuite, « Elles ne peuvent donc pas être transférées dans des endroits isolés pour les motifs d’indisposition d’une partie de la population puisque selon la directive de l’Union Africaine sur le sujet: « les réunions publiques visent à transmettre un message à une personne, un groupe ou une organisation cible particulière. Par conséquent, en règle générale, il convient de faciliter la tenue de réunions à des endroits où les organisateurs peuvent être vus et entendus par le public visé ».