DOSSIER: Engagement citoyen de la jeunesse en Afrique, mythe ou réalité tronquée ?

luzdelsol668
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(Société Civile Média) – Dans une Afrique aux prises avec des notions quasi intemporelles telles que le panafricanisme, le développement et des courants de pensée sous-jacents tels que l’afro-optimisme et son autre versant, l’afro-pessimisme, on a souvent peu de temps pour s’interroger sur un aspect non moins important du continent : l’engagement citoyen de la jeunesse. Quel est, de nos jours, l’état de l’engagement citoyen de la jeunesse africaine ? Les jeunes du continent se désintéresseraient-ils des affaires de leurs cités ? Comment tirer parti du capital jeunesse de l’Afrique ? Quel rôle peut jouer la société civile pour aider à construire un modèle de jeunes intéressés par la chose publique et désireux de contribuer au développement de leurs pays ?

L’engagement citoyen peut être défini comme la capacité d’une personne à s’impliquer positivement et durablement pour le développement de sa communauté. Elle passe donc nécessairement par l’intéressement de l’individu au devenir de sa communauté. Reliée à la jeunesse, cette définition pose la problématique de l’intéressement de la jeunesse africaine aux affaires collectives. L’Afrique est confrontée à un défi, intéresser la jeunesse à l’engagement citoyen.

Quel est l’état de l’engagement citoyen de la jeunesse en Afrique ?

L’engagement et le militantisme de la jeunesse africaine a, à une certaine époque, contribué à propulser le continent en avant. Beaucoup de dirigeants africains qui ont marqué l’Afrique ont été dans leur jeunesse des figures de proue et des modèles, drainant derrière eux une immense foule de partisans. On peut citer à ce titre Kwame Nkrumah qui était profondément impliqué dans la planification du Congrès panafricain de 1945, tenu à Manchester (Angleterre), Patrice Lumumba qui était, déjà jeune, une icône, acception qui a été renforcée par son martyre, Abdel Nasser Gamal, qui à 35 ans, était déjà un colonel de l’armée égyptienne avant de devenir président à 38 ans.

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Mais l’Afrique ne s’est pas seulement illustrée par une jeune génération politiquement précoce mais aussi par une jeunesse portée sur la chose commune. L’engagement de la jeunesse s’est parfois effectué par un regard critique porté sur la gestion de la chose publique. Les acteurs de cette visée sont parfois méconnus ou peu connus mais leurs œuvres marquent durablement l’histoire. Il s’agit là d’auteurs engagés. On peut citer à ce titre, parmi tant d’autres, Ayi Kwei Armah qui, à 29 ans, publiait son premier roman intitulé The Beautyful Ones Are Not Yet Born (1968, L’âge d’or n’est pas pour demain). Un ouvrage dans lequel il dénonçait la cupidité et la corruption politique qui régnaient dans les Etats fraîchement indépendants.

Aujourd’hui, l’on assiste à l’émergence de nombreux mouvements de jeunesse qui permettent aux jeunes de vivre des expériences intéressantes du vivre-ensemble, de culture de la paix et de la démocratie. Ces mouvements sont souvent d’initiative africaine et permettent aux africains de s’éduquer mutuellement et d’apprendre les uns des autres.

A plusieurs moments de l’histoire contemporaine, la jeunesse africaine s’est révélée être un puissant facteur de changement du continent. Ceci a souvent été mis en évidence par la propension de la jeunesse à réagir aux événements politiques, sortant du carcan et des moules préconçus. La jeunesse africaine a appris à prendre les choses en main, forte de sa nouvelle dimension numérique, défiant les conceptions traditionnelles de la gouvernance. Cette expérience a été mise en évidence par le printemps arabe. En dehors et en complément de l’internet, les codes d’engagement de la jeunesse africaine contemporaine sont aujourd’hui manifestées par l’art (la musique, la danse, le graffiti, le slam, le débat). Ces codes réussissent à fédérer les jeunes autour de la chose publique.

Allons-nous vers un désintéressement ?

Les discours politiques ont l’habitude de désigner la jeunesse comme étant la relève. Dans un système incluant de moins en moins la jeunesse, celle-ci est de plus en plus désabusée et désintéressée de la chose publique. La jeunesse est surtout préoccupée par ses besoins économiques de base, liés notamment à l’emploi. Le souci de sortir de la précarité liée à l’impermanence de l’emploi empêche la jeunesse de penser au développement de la cité ou de s’intéresser à la politique. Alors qu’elle aurait pu nourrir la politique de pensées nouvelles, lui apporter sa touche naïvement positive.
Il faudra repenser les politiques de façon à intéresser les jeunes à l’action publique. L’emploi des jeunes devra être la priorité sur laquelle il faudra se pencher. Un politique de l’emploi bien ficelée ne peut qu’appâter la jeunesse.

Une nouvelle forme d’engagement citoyen : le volontariat national

On assiste dans beaucoup de pays africains à l’émergence du volontariat organisé par l’Etat. Ce type de volontariat est une solution moyenne permettant à la jeunesse de se frotter au monde de l’emploi tout en gagnant en expérience professionnelle, mais en capitalisant aussi sur le plan de l’engagement social. Cette solution, adoptée par plusieurs pays africains, a été applaudie pour ses mérites cités plus haut, mais aussi critiqués. Ses critiques lui viennent de ses raisons inavouées et de l’insatisfaction de la jeunesse. Il lui est reproché de gonfler de façon fictive les statistiques de l’employabilité des jeunes, de donner une impression fausse de la réalité des taux d’employabilité des jeunes. De l’autre côté, l’insatisfaction des jeunes quant à la qualité de leurs allocations de subsistances et l’incertitude de l’après mission de volontariat fait que des pierres sont jetées au programme de volontariat. En outre, la politique pernicieuse de certaines organisations qui n’offrent pas d’opportunités d’emplois à la jeunesse, mais préfèrent travailler sur la base de volontariat est souvent très mal vue.

Comment tirer parti du capital jeunesse de l’Afrique ?

La jeunesse africaine a encore beaucoup à apporter au développement du continent. Si les gouvernements doivent évoluer dans leur politique de promotion de la jeunesse, la jeunesse a, elle aussi, la charge de mettre en valeur son potentiel.

Les gouvernements devraient revoir la définition des politiques de volontariat et d’employabilité des jeunes en favorisant leur inclusion. L’inclusion des jeunes dans la définition de toute politique les concernant est importante pour développer leur sentiment d’appartenance et leur implication dans la destinée de leur pays.

Les jeunes africains ont plus que jamais besoin d’innover et de contribuer au rayonnement du continent. La jeunesse africaine pourra sortir de la distraction des réseaux sociaux et du divertissement pour apporter encore quelque chose au continent. La jeunesse africaine a encore beaucoup d’opportunités à saisir et pourra y arriver en proposant des solutions innovantes aux problèmes de la société africaine. De nombreux jeunes s’illustrent dans ce domaine par le développement de startups (on pourra citer la startup togolaise « Woelab » qui a inventé l’imprimante 3D à base de déchets) et la création de mouvements d’engagement citoyen.

Connue pour sa maîtrise des nouvelles technologies, la jeunesse africaine peut s’en servir comme outil de développement, d’activisme et de promotion du vivre-ensemble, de la citoyenneté mondiale, de la démocratie, de la paix et de la non-violence.

Le quitus de la société civile : capitalisation de la vie associative

La société civile africaine peut fédérer la jeunesse et lui donner un coup de pouce encourageant en lui inculquant les bonnes notions de gouvernance et en lui donnant l’opportunité de s’exprimer et se valoir. Les organisations de la société civile ont le pouvoir de permettre aux jeunes d’apprendre les bonnes notions de démocratie et de gouvernance organisationnelle. Elles ont le pouvoir de développer le sens de responsabilités et la confiance de la jeunesse en elle-même.

Les organisations de la société civiles ont le pouvoir de construire un modèle de jeunes intéressés par la chose publique et désireux de contribuer au développement. Elles ont la possibilité d’éduquer la jeunesse et de l’amener à s’intéresser au développement et à la politique grâce à une meilleure approche, beaucoup plus organisée et plus posée.
La jeunesse est le meilleur atout de l’Afrique mais pour qu’elle puisse être utile à l’Afrique, elle doit être aidée, aussi bien par les gouvernements et la société civile, que par elle-même. Une jeunesse engagée et outillée est gage d’un développement inclusif réussi pouvant affecter durablement plusieurs domaines.

Seyram ADIAKPO